«Une maison ‘chouchou’»

C’est une petite maison en pierres de taille, située quelque part à Namur au commencement d’une rue en pente raide. En la regardant de face, on perçoit comme un anachronisme à voir cette bâtisse lutter avec un immeuble à appartements des années 60 situé à sa droite et à sa gauche… rien, le vide. La petite maison vient en effet clôturer un long enchaînement de bâtiments garnissant la rue en pente depuis ses hauteurs jusqu’en bas.

Mais c’est derrière cette maison que l’anachronisme le plus frappant se manifeste. Au loin, à une centaine de mètres en arrière-plan se dessinent en effet les bâtiments du site Sainte-Elizabeth du CHU de Namur. Carrés, gris, légèrement austères, ils sont immanquables et tranchent tellement avec la cahute que rien ne laisse présager que ces deux constructions partagent quelque chose en commun. Ce quelque chose, c’est «Le Nid», un projet du CHU mis sur pied il y a cinq ans par plusieurs sages-femmes et qui a trouvé refuge au sein de la petite maison.

L’objectif du «Nid» est simple: permettre aux femmes, aux couples ayant un projet de naissance physiologique pour une grossesse à bas risque (ne présentant donc pas de problèmes particuliers) de trouver un espace sécurisé afin de mener leur projet à bien. Répondant à une demande sans cesse grandissante pour un accompagnement lors de la grossesse et une naissance non médicalisée, il n’est dès lors pas étonnant que «Le Nid» se soit installé aux marges de l’hôpital et de sa maternité, non pas pour faire sécession, mais pour offrir un espace différent de ceux d’un hôpital et d’une maternité traditionnelle.

L’objectif du «Nid» est simple: permettre aux femmes, aux couples ayant un projet de naissance physiologique pour une grossesse à bas risque (ne présentant donc pas de problèmes particuliers) de trouver un espace sécurisé afin de mener leur projet à bien.

Quand on pousse la porte de l’endroit, on est d’ailleurs frappé par l’ambiance chaleureuse qui y règne. La maison est petite, sans être étroite. C’est au rez-de-chaussée que le projet a été installé. Du hall d’entrée, on distingue directement à gauche une salle de rendez-vous. Au fond, tout droit se trouve une grande pièce garnie de ballons de grossesse à laquelle on accède par un petit sas dont les murs ont été tapissés de cartes de remerciement. Enfin, un peu sur le côté se situe la salle de réunion des cinq sages-femmes qui portent le projet.

En ce lundi d’avril ensoleillé, c’est l’une d’elles, Céline Steinier, qui nous accueille dans ce qu’elle appelle «une maison ‘chouchou’» avant de nous offrir un café sans lait. «Désolé, on le boit plutôt noir ici», lâche-t-elle en scrutant le tableau des gardes que chaque sage-femme est censée assurer. Voilà plusieurs années que Céline est arrivée au Nid après une première carrière comme sage-femme en hôpital «traditionnel» garantissant des horaires fixes, mais comportant finalement des tâches assez répétitives et peu valorisantes. «Ce qu’on fait en hôpital est très cloisonné, cela ne remplit pas la totalité du boulot d’une sage-femme qui est de s’occuper de la femme qui va bien et qui englobe la contraception, la préconception de l’enfant, le prénatal, la naissance, et le postnatal», explique-t-elle en regardant Mathilde Chavet, une autre des cinq sages-femmes du Nid, s’installer à table en notre compagnie. Présente depuis les débuts du projet, Mathilde dresse un constat identique sur le rôle parfois ingrat des sages-femmes en salle d’accouchement «traditionnelle». «Elles arrivent à l’hôpital, elles pointent et puis elles sont directement sous pression de la part des gynécologues, des médecins-chefs. Elles n’ont pas beaucoup de temps pour se pencher sur les couples, pour créer du lien. Elles sont là pour quatre heures et doivent gérer trois ou quatre couples en même temps», témoigne-t-elle avant que Céline Steinier n’embraie pour souligner la perte de sens pour les sages-femmes que toute cette situation engendre.

Au Nid, Céline a donc trouvé une réponse à tout cela puisque le projet propose aux couples en grossesse à bas risque de les accompagner dans leur projet de naissance et prend en charge tous les aspects de la grossesse: préparation à la naissance, à l’accouchement, accouchement et post-partum. C’est en 2017 que le projet du Nid a commencé à germer pour aboutir en 2020, sur la base d’un constat. «On voyait arriver à l’hôpital des couples avec un projet de naissance pourtant pas toujours très abouti, comme l’absence de péridurale, d’épisiotomie, mais qui n’aboutissait pourtant pas par manque de personnel hospitalier et de temps», explique Mathilde Chavet.

Au Nid, Céline a donc trouvé une réponse à tout cela puisque le projet propose aux couples en grossesse à bas risque de les accompagner dans leur projet de naissance et prend en charge tous les aspects de la grossesse: préparation à la naissance, à l’accouchement, accouchement et post-partum.

Au début, il a pourtant fallu batailler, puisque sans dire «non», le CHU avait plutôt tendance à souffler un «attendez» assez frustrant. Mathilde Chavet se souvient d’ailleurs d’avoir menacé l’hôpital de monter le projet ailleurs s’il n’était pas soutenu par l’institution, qui s’est finalement laissé convaincre, notamment par le désir croissant des couples de bénéficier de naissances physiologiques. «C’est un projet qui est vraiment parti de la demande des couples, on ne pouvait pas continuer à travailler comme ça», retrace-t-elle.

Souvent, témoignent les deux sages-femmes, le Nid accueille des parents vierges de toute expérience natale, pour leur premier enfant. Mais il arrive également qu’une première naissance «classique» ait eu lieu et que celle-ci se soit mal passée, ces cas charriant leur lot de mots ou de gestes de la part du personnel soignant ressentis comme violents par le couple, voire des cas de véritables violences obstétricales. «Il y a aussi des histoires plus lourdes, qu’on doit creuser. Certaines femmes ont un passé de violences sexuelles, de maltraitance familiale. Tout cela prend du temps et peut même se manifester en postnatal», explique Céline Steinier. Avant que Mathilde Chavet ne renchérisse. «On devient parfois des psys autoformés. On écoute, on laisse des blancs.»