Après avoir péniblement descendu la route, ou plutôt le chemin de gravier, qui mène dans un nuage de poussière à un parc résidentiel, Norine Grenier gare le mobil-home sous les arbres au même emplacement qu’il y a deux semaines. Une dame et son amie, ne (re)connaissant pas l’équipe mobile, montent aux barricades, lèvent leurs canettes de 50 cl, crient au voleur, annoncent vouloir appeler la police. Amélie Moureau et Norine Grenier s’approchent. Avec humour et gentillesse, elles ouvrent le dialogue avec les deux dames plutôt alcoolisées. Elles leur proposent un café, à l’intérieur.
Une fois assises, toutes les quatre, sur les banquettes du salon mobile, les dames expliquent le quiproquo. Elles les ont prises pour d’autres. «Il y a des vols dans la région.» Mais la discussion passe très vite à la situation de la plus grande femme des deux, qui dépose toute son histoire ponctuée par les questions des deux assistantes sociales, qui sont doucement en train de fixer une future bénéficiaire en grand besoin d’aide et d’accompagnement social.
«Ce n’est en aucun cas de votre faute, commente Norine Grenier. C’est lui qui cherche des profils fragiles.
[…]
– Avez-vous déjà porté plainte? déclaré les faits à la police?, poursuit Amélie Moureau.
[…]
– Niveau psy, êtes-vous suivie? C’est quelque chose auquel vous fermez la porte ou pas?, reprend Norine Grenier.
[…]
– Comment pourrait-on vous aider?», poursuit sa collègue.
Puisque la dame répond «il faut que je le quitte», les deux professionnelles ouvrent des portes: «Si c’est clairement votre souhait, on peut vous y aider.» Elles demandent si la violence est «psychologique, physique ou les deux», puis entament une liste de ressources à activer pour cette femme qui expose de la souffrance conjugale.
Mais la discussion passe très vite à la situation de la plus grande femme des deux, qui dépose toute son histoire ponctuée par les questions des deux assistantes sociales, qui sont doucement en train de fixer une future bénéficiaire en grand besoin d’aide et d’accompagnement social.
«J’ai besoin de gens un peu comme vous, des gens normaux quoi», respire cette dame avant de quitter le véhicule social, plus calme et plus apaisée qu’au moment d’y entrer. La conversation s’est conclue autour d’un rendez-vous fixé dans deux semaines, même heure, même endroit, bien clair dans la tête de toutes grâce au calendrier à GRANDS CARACTÈRES affiché à côté de la porte. «Ce mercredi-là, d’accord?», a insisté Norine Genier.
Deux semaines devraient laisser le temps aux deux assistantes sociales de recouper certaines informations, notamment l’état de santé mentale de l’intéressée. Puisque celle-ci a cité un centre d’accueil où elle a logé précédemment, Amélie Moureau et Norine Grenier peuvent mener une petite recherche de ce côté.
Mais quelques minutes plus tard, des cris de colère traversent le petit bois qui sépare le mobil-home du sentier de randonnée emprunté par les deux femmes à leur sortie du Solimob. L’équipe sociale s’approche sans courir, évitant toute une prise de risque inutile – d’où, aussi, l’obligation de travailler systématiquement par deux. Une dame est assise, l’autre est allongée en travers du chemin. Elles sont encore dans leur brouillard d’alcool. «Les gens pensent que les alcooliques sont des cons, mais c’est pas vrai. Je bois parce que je vais mal», justifie l’une des deux, en confiance, à Norine Grenier qui vient de s’accroupir à ses côtés.
Un small talk («menus propos») est amorcé pour reconnecter avec l’intéressée et Amélie Moureau consulte en parallèle l’agenda du Solimob pour trouver un créneau plus proche que le rendez-vous initialement convenu. Deux semaines avant de revoir cette dame sont bien trop longues aux yeux de l’équipe mobile. Un créneau est possible lundi; elles bloquent la date toutes les quatre.
Puis Norine Grenier atteint le cœur du sujet: madame serait-elle prête à consulter un médecin spécialisé en assuétudes, qui consulte gratuitement à Huy et pourrait la recevoir rapidement? Cette dernière acquiesce, «hyper partante». «Dans tous les cas, poursuit Norine Grenier, on prend les renseignements et on revient vous voir avec les informations.
– Je vais m’en sortir, répond son interlocutrice, je ne suis pas une conne.
– J’aime bien ce discours. Oui, vous allez vous en sortir. On se voit lundi et d’ici là, vous avez notre numéro de téléphone dans votre sac. N’hésitez pas, vous ne nous dérangez pas.»
Un small talk («menus propos») est amorcé pour reconnecter avec l’intéressée et Amélie Moureau consulte en parallèle l’agenda du Solimob pour trouver un créneau plus proche que le rendez-vous initialement convenu. Deux semaines avant de revoir cette dame sont bien trop longues aux yeux de l’équipe mobile. Un créneau est possible lundi; elles bloquent la date toutes les quatre.
En quittant le sentier pour retourner au mobil-home, et donc en laissant deux personnes en situation de vulnérabilité assises sur un bord de sentier balisé, se pose la question du degré d’interventionnisme nécessaire face à une telle situation. Faut-il appeler les secours et forcer une prise en charge médicale? «La priorité pour nous est de garder le contact et de créer une relation de confiance, répond Norine Grenier. Si nous perdons le contact avec cette dame, elle se trouvera encore plus isolée. Les risques seront alors encore plus grands pour elle.» Mais deux semaines sans nouvelles seraient vraiment trop. «D’où la recherche de solution pour la revoir avant cela.»