Deux semaines plus tard, on retrouve Chris. À l’ordinateur, il répond à quelques mails urgents avant de faire le point avec son équipe sur les prochaines échéances à venir. Derrière lui, l’excitation de la rue de la Loi avec son cortège de voitures.
La préoccupation du jour s’appelle encore Ennio. Toujours installé dans un parking voué à la fermeture, le vieil homme refuse obstinément toute aide, préférant rêver de départs impossibles plutôt que d’accepter une place en maison de repos. Chris ira à sa rencontre aujourd’hui. «Il veut toujours aller en Hollande», évoque Chris. Le temps presse: une convocation au parquet approche, et la possibilité d’une intervention forcée se profile. «On essaie de lui trouver une solution douce, mais s’il ne veut pas, il faudra peut-être agir de force pour sa sécurité», confie Chris, lucide sur les limites de l’accompagnement social.
Pour la Team Herscham, Ennio incarne le dilemme quotidien: respecter la liberté individuelle et intervenir pour protéger une personne vulnérable. «On essaie de garder un œil sur lui, de passer régulièrement, de lui apporter à boire et à manger. Mais sans son accord, il est difficile d’aller plus loin», résume Chris.
Pour la Team Herscham, Ennio incarne le dilemme quotidien: respecter la liberté individuelle et intervenir pour protéger une personne vulnérable.
Au détour d’une rue, Chris retrouve Stan, un Polonais, qui bataille depuis 34 ans pour régulariser sa situation. «Il a travaillé ici, mais il n’a jamais pu obtenir ses papiers. Son avocat tente de prouver son ancienneté sur le territoire pour espérer une régularisation. C’est des années et des années à rassembler des preuves, à espérer un changement», explique Chris. La diversité des situations croise la complexité des réponses. Si certains, comme Ennio, disposent d’une pension et d’une adresse de référence, mais choisissent la rue, par attachement à leur liberté, d’autres, comme Stan, attendent des années une régularisation administrative. Ballottés d’un abri à l’autre, beaucoup restent coincés dans une zone grise, sans droits ni accès à un logement stable.
Aujourd’hui, on lui a signalé également la présence de tentes dans un parc, au pied de tours d’immeubles dans le quartier de la gare du Nord. Dans les parcs, la cohabitation entre riverains et sans-abri peut devenir parfois explosive. «En été, c’est plus compliqué. Les gens dorment dehors, les habitants ont peur de passer, il y a beaucoup de consommation de stupéfiants. On essaie de garder la paix, d’enlever les campements avant qu’ils ne grossissent. Il faut trouver un équilibre, ce n’est pas le but qu’un parc devienne un camping», souligne Chris. La police tente de préserver une fragile harmonie entre tranquillité publique et survie des plus démunis.
Si certains, comme Ennio, disposent d’une pension et d’une adresse de référence, mais choisissent la rue, par attachement à leur liberté, d’autres, comme Stan, attendent des années une régularisation administrative. Ballottés d’un abri à l’autre, beaucoup restent coincés dans une zone grise, sans droits ni accès à un logement stable.
Chris s’arrête devant un groupe d’hommes endormis dans un recoin. «Bonjour, c’est la police!», lance l’inspecteur, tentant d’établir un dialogue. Parmi ces hommes, Michael, 26 ans, originaire d’Érythrée, montre ses papiers de demandeur d’asile. Il maîtrise le néerlandais, attend un rendez-vous chez Fedasil, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile, prévu dans plusieurs semaines. En attendant, il dort dehors. Pour beaucoup dans sa situation, la rue reste la seule option, malgré la promesse d’un accueil à venir.
Au fil des patrouilles, les scènes se répètent: des hommes et des femmes dorment dans des recoins, sous des cartons, parfois depuis des années. Certains viennent d’arriver, poussés par la guerre ou la misère. Chris connaît presque tous les visages. «C’est un peu le but, en fait. Travailler avec les plus vulnérables, donner confiance en la police. Parce qu’ils sont victimes de plein de choses, et pour eux, une personne en uniforme, c’est synonyme d’autorité», explique-t-il.