Energie : la précarité à tous les étages

1er etage - Les locataires en première ligne
Rez-de-chausée

L'état des lieux

Textes : Pierre Jassogne - Capsules sonores : Marie-Eve Merckx - Illustrations : Maud Romera

Que ce soit pour se chauffer ou s’éclairer, pour plus d’ un ménage bruxellois sur quatre, l’accès à une énergie en quantité et en qualité suffisante est loin d’être une évidence, selon le Baromètre de la précarité énergétique et hydrique de la Fondation Roi Baudouin. En Belgique, il s’agit d’un ménage sur cinq (20,7%). Des chiffres qui restent désespérément élevés.

La crise sanitaire et économique n’arrange rien à ces situations de précarité énergétique. D’après Brugel, le régulateur bruxellois, les factures ont grimpé de 195,7 % entre novembre 2017 et novembre 2022.

" La crise actuelle va pousser encore davantage de gens dans la précarité énergétique, explique Sandrine Couturier, directrice de l’asbl d’amélioration de l’habitat Convivence à Bruxelles. Des locataires éteignent leur chaudière. Le bâti a besoin d’être chauffé, sans cela, il se dégrade, des moisissures apparaissent, c’est dramatique".

Une précarité mal mesurée

La précarité énergétique reste néanmoins mal mesurée à Bruxelles, car les indicateurs disponibles s’appuient sur le certificat PEB, dont la rigueur est souvent mise en doute et auquel échappent pour l’instant près de 55% des bâtiments bruxellois. Malgré les manques statistiques flagrants, la Fondation Roi Baudouin (FRB) s’est essayée à mesurer la précarité énergétique, que Sandrine Meyer, chercheuse à l’ULB et l’une des autrices du dernier "baromètre de la précarité énergétique" de la FRB, définit comme "la difficulté à satisfaire les besoins de base en énergie".

La Fondation Roi Baudouin classe la précarité énergétique en trois catégories. La précarité "mesurée", celle qui est objectivable à partir du poids des factures dans le budget des ménages, celle "ressentie" par ces derniers et, la dernière – par essence plus difficile à quantifier –, la précarité énergétique "cachée", qui correspond à des privations volontaires de consommation d’énergie par les ménages pour réduire leurs dépenses. En région de Bruxelles-Capitale, les trois types de précarité énergétique confondus touchent 26,5% des ménages, loin devant la Flandre (15,9%), mais derrière la Wallonie (29,5).

Intervention de Sandrine Meyer du Centre d'études économiques et sociales de l'environnement de l'Université Libre de Bruxelles (ULB)

À l’origine des problèmes que rencontrent les ménages en matière d’énergie, les experts identifient trois sources principales : la faiblesse des revenus, la mauvaise performance énergétique du logement et le prix des énergies. Trois facteurs qui se renforcent mutuellement. Et différentes conséquences qui peuvent en résulter : tomber dans une spirale d’endettement, limiter voire couper le chauffage, restreindre l’utilisation des appareils électroménagers par peur de la facture d’énergie à venir. Le logement où l’on habite peut se dégrader progressivement, à cause de l’humidité et de l’apparition de moisissures. La précarité énergétique affecte également la santé : les maladies respiratoires et cardiovasculaires sont plus fréquentes.

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Une situation exacerbée à Bruxelles

Et à Bruxelles, la situation est exacerbée. La capitale cumule en effet les difficultés socio-économiques : une forte proportion de la population n’y dispose que de faibles revenus (1.610 euros à Bruxelles, contre 1.945 euros pour la médiane belge) et le bâti y est dans un grave état de sous-performance énergétique.

En outre, les ménages bruxellois consacrent en moyenne une proportion plus importante de leur budget pour se loger comparativement aux habitants des deux autres régions du pays. Selon l’Observatoire de la Santé et du Social, le poste “logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles” représentait en moyenne à Bruxelles 35% des dépenses contre 31% en Flandre et 32% en Wallonie. Le coût du logement est largement supérieur à la moyenne belge : 600 euros par mois à Bruxelles contre 464 euros au niveau belge. Pareil pour l’évolution du coût du logement : entre 2009 et 2019, le coût d’un logement augmentait en moyenne de 18% au niveau belge, contre 40% dans la capitale. À cela s’ajoute le fait que la majorité des logements sont loués.

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