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Regard critique · Justice sociale

Wallonie : cellules de reconversion en hausse

Début janvier, il y avait 42 cellules de reconversion opérationnelles en Wallonie et plus de 4 200 travailleurs wallons accompagnés.

15-02-2013 Alter Échos n° 354

Arcelor, Carsid, Duferco… A chaque annonce d’une fermeture ou d’une restructuration d’entreprise, les cellules de reconversion refont leur apparition. Début janvier, il y avait 42 cellules de reconversion opérationnelles en Wallonie et plus de 4 200 travailleurs wallons accompagnés.

Corinne a travaillé pendant 33 ans comme comptable au Centre électronique à Charleroi. Le 24 décembre dernier, elle apprenait qu’elle était licenciée avec 17 autres de ses collègues. Début janvier, elle rejoignait la cellule de reconversion de Charleroi. Après quelques semaines, elle en retire déjà un bilan positif. « On met à jour son c.v., on nous donne surtout l’opportunité de faire des recherches d’emploi plus approfondies et de faire une validation de nos compétences. C’est une chance de rebondir. Cela me permet aussi de rencontrer des travailleurs qui ont été renvoyés comme moi, cela remonte le moral et permet de ne pas rester seule ou désemparée chez soi », explique-t-elle.

Pendant douze mois, au sein de la cellule de reconversion, Corinne a la possibilité de bénéficier d’un contrat d’accompagnement socioprofessionnel. Ce contrat prouve la participation du travailleur au processus de réinsertion. Car les travailleurs victimes de licenciement comme Corinne sont suivis dans une cellule au travers d’actions d’orientation, de formation et d’aide à la recherche d’emploi. Ils bénéficient aussi d’un suivi psychosocial afin de les aider à assumer la perte de leur emploi.

Mais douze mois, cela passe vite. Après huit mois dans la cellule, Stéphane, ancien ouvrier du laminoir du Ruau à Monceau-sur-Sambre, est un peu moins enthousiaste. Pour le moment, ses nombreuses recherches n’aboutissent à rien. « Je n’ai connu que cet emploi au laminoir. Le problème, c’est qu’on me demande de l’expérience et que je n’ai aucun diplôme. Quand on prend les annonces, on n’a jamais de réponse. C’est très énervant. J’ai fait aussi des jours d’essai dans une entreprise, mais on est 50 demandeurs d’emploi sur une seule place. Puis j’ai voulu suivre une formation, mais il y a parfois six mois d’attente. Avec le chômage qu’on a, attendre six mois, ce n’est pas possible. »

Faire le deuil de son emploi

Pour guider ces travailleurs dans leur recherche d’un nouvel emploi, il y a les accompagnateurs sociaux. Ces accompagnateurs, ce sont souvent d’anciens délégués syndicaux d’entreprises en restructuration ou en faillite qui orientent leurs collègues. Joseph Di Giugno a commencé en 2006 après son licenciement de la société AGC, spécialisée dans la fabrication du verre. Depuis, il suit des travailleurs licenciés comme accompagnateur social à la cellule de Charleroi1.
Selon lui, cet accompagnement, c’est d’abord un travail de mise en confiance. « La chose la plus frappante quand des travailleurs arrivent dans une cellule, c’est la révolte après le licenciement. Beaucoup de travailleurs se disent qu’ils ont travaillé toute leur vie et pensent qu’ils ne vont plus jamais rien faire, ni retrouver un emploi. C’est à nous à les aider à faire le deuil de leur emploi, à découvrir tout le travail administratif autour de la recherche d’un emploi, à mettre en avant leurs compétences. C’est un coaching qu’ils n’auraient pas s’ils n’étaient pas en cellule. »

A ses côtés, Roland et Nadine. Du jour au lendemain, après la fermeture de leur entreprise respective, ils sont devenus eux aussi accompagnateurs. « On n’a pas l’habitude de ce travail, admet Roland, ancien ouvrier au laminoir du Ruau. C’est vrai que quand on apprend l’annonce d’une fermeture d’une entreprise, beaucoup de travailleurs se demandent ce qu’ils vont faire, ils doutent, il y a beaucoup d’anxiété et de peur. On se retrouve dans la cellule, sans repère à rechercher un emploi alors qu’on a fait le même boulot pendant des dizaines d’années. »

« Socialement, on doit repartir à zéro, on doit vraiment repenser sa vie, ajoute Nadine, ancienne comptable chez Best Medical. Mais c’est une expérience enrichissante. On se retrouve tous dans la cellule, même avec son ancien directeur, des cadres, des employés, des ouvriers. Les masques tombent car on est tous sur le même pied, sur le même bateau… »
Dans chacune de leur cellule, Roland et Nadine ont vu les choses évoluer plutôt positivement. Dans celle de Roland, il y avait 107 travailleurs au départ, ils ne sont plus aujourd’hui que 30. Même constat pour Nadine : ils étaient 37 à la base, ils ne sont plus que 13 travailleurs dans sa cellule. Certains retrouvent un CDI, d’autres font des CDD ou des intérims, en attendant mieux. Il y a aussi de nombreuses reconversions. Les exemples sont multiples au sein de la cellule de Charleroi. Cela va du moniteur d’auto-école à l’inspecteur de police, en passant par chauffeur de bus ou chocolatier. « Avec le recul, une cellule de reconversion peut être réellement un tremplin pour faire autre chose et même être l’occasion de vivre d’une passion », souligne encore Nadine.

Entre 40 et 50 cellules par an en Wallonie

Renaud Bierlaire, coordinateur des cellules de reconversion pour la FGTB2 depuis dix ans, a vu le nombre de cellules de reconversion augmenter en Wallonie. « Jusqu’en 2007, on avait une moyenne de 15 à 20 cellules par an avec 1 500 à 2 000 travailleurs accompagnés, avec à plus de 70 % des ouvriers. »  Aujourd’hui, il y a entre 40 et 50 cellules de reconversion par an en Wallonie, touchant tous les secteurs, tous les profils de travailleurs. Malgré cette augmentation, cet accompagnement en cellule continue de porter ses fruits, selon Renaud Bierlaire.

Actuellement, 70 % des travailleurs accompagnés au sein d’une cellule de reconversion retrouvent un emploi. « On ne vise pas le reclassement immédiat, on vise plutôt le travail autour d’un projet socioprofessionnel avec des étapes de formation utiles et nécessaires. Mais les résultats ne sont pas seulement tributaires de la bonne volonté des personnes, il faut prendre en compte aussi la situation socio-économique de la Wallonie. Si vous êtes âgés, peu ou pas qualifiés, et même si vous avez suivi une formation, si vous êtes dans une région où le chômage est de 20 à 25 %, ce sera plus difficile de retrouver un emploi qu’ailleurs. »

Un dispositif d’accompagnement

Depuis 2004, suite au décret du 29 janvier, le dispositif des cellules de reconversion a été institutionnalisé en Wallonie, en associant dans un dispositif unique en son genre en Europe, le Forem et les organisations syndicales. Pour Émeline Brohée, chef de projet du service reconversion collective au Forem3, ce travail avec les syndicats permet un travail plus efficace et plus personnalisé pour accompagner le travailleur sur le terrain.

Car outre le licenciement, c’est un changement de statut que doit vivre le travailleur licencié : de nombreux papiers à compléter, un CV à mettre à jour et une motivation à retrouver. « De notre côté, on va se consacrer à l’accompagnement des travailleurs dans leur recherche d’emploi (réorientation, formation, CV, entretien d’embauche…) tandis que les accompagnateurs sociaux font le lien entre les travailleurs licenciés et les agents du Forem car ils connaissent bien leurs anciens collègues, ils savent leurs compétences, leur parcours et peuvent les guider plus facilement. »

1. Cellule de reconversion de Charleroi :
– adresse : bd Joseph Tirou, 130 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 27 87 10
2. Renaud Bierlaire – FGTB, Coordination des cellules de reconversion :
– adresse : rue de Namur, 47 à 5000 Beez
– tél. : 081 26 51 57
3. Emeline Brohée, Forem, Service reconversion collective :
– adresse : bd Joseph Tirou, 98 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 23 95 60

Aller plus loin

– Alter Echos n° 351 du 16.12.2012 : https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=351&l=1&d=i&art_id=22860 Andenne : reconversion des travailleurs handicapés

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste (social, justice)

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