Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Petite enfance / Jeunesse

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la Youth Guarantee wallonne

On parle beaucoup de la Garantie pour la jeunesse à Bruxelles. En Wallonie, le dossier se fait plus discret. Alter Échos a tenté d’y voir clair.

©shutterstock

On parle beaucoup de la «Garantie pour la jeunesse» à Bruxelles. En Wallonie, le dossier se fait plus discret. Alter Échos a tenté d’y voir clair.

Et du brouillard surgit la Garantie pour la jeunesse. Si la version bruxelloise de ce projet initié au niveau européen a beaucoup fait parler d’elle, son pendant wallon s’est par contre montré plus discret. Ce qui semble alimenter certaines informations pas toujours très fiables. L’objectif du projet est pourtant ambitieux: il s’agit notamment de faire en sorte que les États membres proposent à tout jeune de moins de 25 ans un emploi de qualité, une formation continue, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant la perte de son emploi ou sa sortie de l’enseignement formel. Des financements sont prévus pour cela. Et des projets doivent donc être mis en place.

Du côté du Forem, on explique facilement la plus grande discrétion wallonne. «Bruxelles a lancé quelque chose de nouveau avec son service Youth Guarantee. En Wallonie, il y a du nouveau, mais aussi des projets qui existaient déjà [comme l’accompagnement individualisé des jeunes chômeurs, NDLR] et qui se trouvent consolidés par la Garantie.» Pourtant, au sud du pays, beaucoup d’acteurs semblent évoluer dans une relative confusion. Et les rumeurs vont bon train. Le plan wallon – inséré dans un plan belge «consolidé» – aurait été «refusé» deux fois par la Commission européenne. Certains financements européens ne seraient plus assurés. Des secteurs se positionneraient pour capter les moyens disponibles. Et ainsi de suite. Il faut dire que le dossier est complexe. Et concerne beaucoup d’argent. Rien que pour l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), une des sources de financement de la Garantie sur un territoire bien délimité, on parle de 86,1 millions d’euros en Wallonie. «Il existe pas mal de fantasmes autour de la Garantie pour la jeunesse. Et les montants engagés font qu’il s’agit un peu d’une poire pour la soif dans un contexte d’austérité. En Wallonie, le dossier n’est de plus pas vraiment géré dans la transparence», nous dit-on du côté des Jeunes CSC.

Le Forem au pilotage

Tout a commencé par la remise à la Commission européenne, le 23 décembre 2013, du plan national belge «consolidé» et coordonné par Synerjob (voir encadré) concernant la Garantie pour la jeunesse. Ce document reprenait les plans fédéraux, wallons, flamands, bruxellois et de la communauté germanophone. Ceux-ci listent une série de pistes d’action, de déclarations d’intention. Le plan wallon n’a pas été recalé. Mais la Commission européenne a bien remis des recommandations en vue de sa modification. En avril 2014, une seconde version du plan belge a été transmise à la Commission, tenant compte des recommandations.

Synerjob

Constituée le 3 juillet 2007, Synerjob est une interrégionale active dans le domaine de l’emploi et de la formation. Elle confère un caractère formel à une coopération entre les différents services publics de l’emploi et de la formation:

  • le VDAB;
  • le Forem;
  • ADG;
  • Bruxelles Formation;
  • Actiris.

Difficile de savoir ce qui a été vraiment suggéré par la Commission. Il semble cependant que, pour la Wallonie, une plus grande concertation avec le secteur de l’enseignement et de la jeunesse ait été demandée. Rappelons que cette dernière exigence figurait dans la «recommandation sur l’établissement d’une Garantie pour la jeunesse» adoptée le 22 avril 2013 par le Conseil des ministres de l’Union européenne. Un document qui est en quelque sorte le texte fondateur de la Garantie pour la jeunesse au niveau européen.

Du côté du Conseil de la jeunesse, on se montre assez critique sur la consultation organisée en Wallonie. «Nous n’avons pas été consultés», déplore Jérôme Lechien, président du Conseil de la jeunesse. Avant toutefois de préciser que le Conseil rencontrera le cabinet d’Éliane Tillieux (PS), la ministre wallonne de l’Emploi et de la Formation, en mars, en compagnie d’autres structures. Au cabinet, on confirme qu’«en décembre 2014 et encore durant ce mois de mars, un groupe de travail ‘jeunesse’ réunissant les représentants du secteur de la jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le service public de Wallonie, le Forem et les cabinets de l’Emploi et de la Jeunesse, s’est réuni/se réunira pour identifier les priorités à mettre en œuvre». Si la concertation n’avait peut-être pas eu lieu avant, elle semble en tout cas se mettre en place. Notons en passant que, pour la Wallonie, c’est le Forem qui a été désigné pour piloter la mise en œuvre du plan wallon Garantie jeunesse.

Une question de projet

En mars 2014, un appel à projets pour les Fonds Feder-FSE (Fonds européen de développement régional/Fonds social européen) a été lancé en Wallonie et clôturé en mai. Il s’agissait, pour les opérateurs souhaitant bénéficier de ces fonds européens, de remettre des projets au gouvernement wallon. En quoi cela concernait-il la Garantie pour la jeunesse? C’est simple: c’est en partie du FSE que proviennent les sous censés financer les projets repris dans la Garantie. De deux manières. Un: des projets peuvent être financés «directement» par le FSE. Ils concernent toute la Wallonie, à l’exception du Brabant wallon. Ici, le Fonds social européen met 50% des moyens. D’après les règles du FSE, ce financement nécessite un cofinancement des financeurs publics nationaux (États, conseils régionaux…). Ceux-ci mettent donc les autres 50% sur la table.

Deux: des projets peuvent également être financés par ce qu’on appelle l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ ou Youth Employment Initiative en anglais). Cette Initiative européenne concentre son aide sur les régions enregistrant un taux de chômage des jeunes supérieur à 25% et sur les jeunes NEET (not in education, employment or training). Les fonds qui lui sont destinés proviennent en premier lieu d’une ligne budgétaire européenne spécifique consacrée à l’emploi des jeunes, de trois milliards d’euros pour l’ensemble de l’Union européenne. De cette enveloppe, la Wallonie a obtenu +/- 28,7 millions d’euros pour les provinces de Hainaut et de Liège. Les fonds IEJ concernent donc des projets limités à ces zones. Deuxièmement, pour pouvoir bénéficier de fonds de la ligne budgétaire IEJ, une contribution au moins égale doit venir des allocations nationales du FSE. Pour la Wallonie, il s’agira donc également de 28,7 millions d’euros. Enfin, d’après les règles du FSE, le financement nécessite un cofinancement des financeurs publics nationaux (États, conseils régionaux…). Ici aussi, on parlera donc de 28,7 millions d’euros. Pour un total de 86,1 millions pour les années 2014 et 2015.

Les opérateurs souhaitant remettre des projets dans le cadre de la Garantie pour la jeunesse et bénéficier de fonds européens ont donc dû remettre leurs projets dans le cadre de l’appel à projets Feder/FSE 2014. Parmi eux, on pouvait retrouver deux types d’initiatives. Des projets en «stand alone», portés et organisés par un opérateur. Et des «plans d’action» pour lesquels le porteur décide de s’appuyer sur des soumissionnaires. Un bon moyen pour entrer en contact avec les fameux jeunes «NEET» que la Garantie pour la jeunesse vise plus particulièrement. Un opérateur comme le Forem, par exemple, n’est pas forcément en contact avec ce type de public. S’il veut mettre en place des projets les touchant, mieux vaut donc passer par un opérateur plus spécialisé.

Une task force constituée au niveau wallon a été chargée de collecter les projets. Elle s’est prononcée début février, et le gouvernement wallon a validé les conclusions des travaux le 10 février. Tous les projets et plans d’action n’ont pas été validés. Au Forem, on déclare avoir proposé quatre plans d’action «IEJ», dont un concernant l’accrochage des NEET. Un seul d’entre eux a finalement été retenu: il concerne la promotion des métiers. Cette exigence en termes de sélection a une conséquence: tout le budget de l’IEJ n’a pas été consommé. Il resterait 17 millions d’euros disponibles. Au cabinet d’Éliane Tillieux, on déclare qu’un deuxième appel à projets va être lancé prochainement afin de répartir les millions restants.

Notons que les opérateurs retenus vont maintenant adapter leurs projets en fonction des budgets obtenus – tous n’ont pas obtenu 100% des financements demandés – et les lancer. Certains opérateurs ont d’ailleurs déjà entamé certaines actions. Le service Amef (Service d’analyse du marché de l’emploi et de la formation) du Forem aurait ainsi lancé une étude concernant les NEET.

Des projets et des plans d’action

D’après le cabinet d’Éliane Tillieux, 25 initiatives ont été retenues dans le cadre de l’appel à projets FSE/Feder. En ce qui concerne l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), on retrouve:

  • la prise en charge globale des mineurs d’âge et jeunes adultes consommateurs de drogues, asbl Trempoline;

  • les métiers vont à l’école, Le Forem;

  • Popul’artcité: street art (art urbain) et rénovation urbaine au rendez-vous de l’insertion des jeunes, Ville de Charleroi;

  • L’accroche et le retour des NEET sur le marché de l’emploi;

  • etc.

Treize initiatives auraient été retenues «hors IEJ». Parmi eux, on retrouve un projet destiné à renforcer la formation en alternance.

Des problèmes de coordination?

Reste une question: quid de la coordination? On l’a dit, c’est le Forem qui a été chargé de piloter la mise en place du plan wallon. Ce que le service confirme. Cela paraît logique: la recommandation du 22 avril 2013 – le fameux «texte fondateur» de la Garantie pour la jeunesse – mentionne que «le point de départ de l’octroi à un jeune de la Garantie pour la jeunesse devrait être l’inscription de celui-ci auprès d’un service de l’emploi».

Naïvement, on aurait pu penser que le Forem allait donc «centraliser» les projets et les plans d’action. Ce qui n’a pas vraiment été le cas. De nombreux autres opérateurs – CPAS, Ifapme, etc. – ont remis des propositions dans le cadre du FSE ou de l’IEJ. Y aurait-il un risque de cacophonie? «Le Forem pilote le plan remis à la Commission, pas le FSE ou l’IEJ, nous explique-t-on du côté du cabinet Tillieux. C’est pour cela que d’autres opérateurs ont pu remettre des projets.» Pour constituer le plan d’action, le cabinet Tillieux fait remarquer que le Forem a d’ailleurs rencontré ces mêmes opérateurs afin de collationner les idées d’action.

Il n’empêche, du côté du Forem, on semble un peu hésitant à ce niveau. Notamment en ce qui concerne la collecte d’informations auprès des autres opérateurs. «Nous allons bientôt faire des propositions à ce niveau», nous dit-on. Il le faudra: la Commission européenne devra faire un rapport à propos de la Garantie pour la jeunesse en 2016. Elle aura donc besoin d’informations.

Quelques informations en vrac

  • Un chef de projet Garantie jeunesse a été désigné en octobre 2014. Il mettra en œuvre le projet Garantie jeunesse d’un point de vue transversal au sein du Forem et déploiera les actions spécifiques prévues dans la déclaration de politique régionale;
  • Les Régions, via Synerjob, ont entamé la préparation conjointe d’un séminaire national sur la thématique des NEET, qui se tiendra le 23 avril 2015.

 

Aller plus loin

Alter Échos n°393 du 17.11.2014: «Garantie pour la jeunesse: Bruxelles mise gros».

Alter Échos n°375 du 31.01.2014: «Des jeunes 100% garantis?».

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)