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Regard critique · Justice sociale

Emploi/formation

Scop: l’entreprise des salariés

En France, elles existent depuis plus d’un siècle et sont 2.000, un nombre que le gouvernement entend doubler en cinq ans. Les Sociétés coopératives et participatives (Scop) désignent des entreprises possédées par leurs propres salariés. Gérées de manière démocratique, elles réalisent des bénéfices qui n’enrichissent pas les actionnaires mais visent la pérennité des emplois et du projet d’entreprise.
Le modèle séduit. S’il n’existe pas encore en Belgique, les choses bougent. L’Union des Scop de Wallonie-Bruxelles a vu le jour en mars 2014. Son objectif est d’impulser la création d’un statut équivalent en Belgique et de favoriser son développement par un cadre fiscal attrayant. Le récent gouvernement wallon a entendu l’appel. Dans sa déclaration 2014-2019, il entend promouvoir et soutenir les Scop, «notamment en ce qui concerne la transmission et la reprise d’entreprises par les travailleurs». En attendant le réveil wallon, regard outre-Quiévrain sur le monde des Scop avec Jean-Marc Florin, directeur de l’Union régionale des Scop et Scic du Nord/Pas-de-Calais Picardie.

© Flickrcc Yann Gar

Dans sa déclaration 2014-2019, le gouvernement wallon s’engage à promouvoir et à soutenir les sociétés coopératives et participatives (Scop). En France, elles existent depuis plus d’un siècle et sont 2.000, un nombre que le gouvernement entend doubler en cinq ans.

Les sociétés coopératives et participatives (Scop) désignent des entreprises possédées par leurs propres salariés. Gérées de manière démocratique, elles réalisent des bénéfices qui n’enrichissent pas les actionnaires, mais visent la pérennité des emplois et du projet d’entreprise. Le modèle séduit. S’il n’existe pas encore en Belgique, les choses bougent. L’Union des Scop de Wallonie-Bruxelles a vu le jour en mars 2014. Son objectif est d’impulser la création d’un statut équivalent en Belgique et de favoriser son développement par un cadre fiscal attrayant. Le récent gouvernement wallon a entendu l’appel, «notamment en ce qui concerne la transmission et la reprise d’entreprises par les travailleurs». En attendant le réveil wallon, regard outre-Quiévrain sur le monde des Scop avec Jean-Marc Florin, directeur de l’Union régionale des Scop et Scic du Nord/Pas-de-Calais Picardie.

Alter Échos: La Scop en deux mots?

Jean-Marc Florin: Trois, si vous le permettez: le partage de l’avoir, du savoir et du pouvoir. C’est ce trépied qui crée une dynamique au sein de la coopérative. Celui qui oublie une dimension tombe du siège (rires)!

A.É.: À lire les caractéristiques de la Scop, on a l’impression d’une entreprise communiste. Erreur?

La Scop a pour vocation que les parties prenantes, les salariés et associés maîtrisent la production et la répartition des richesses. La loi coopérative permet aux associés de recevoir un dividende sur les parts sociales, mais il est limité à un tiers maximum du montant des bénéfices et la décision est prise par tous les associés salariés. C’est la transparence de la gestion qui est à l’œuvre et la volonté d’exercer en commun un métier.

A.É.: Quel avantage de se constituer en Scop?

J.-M. F.: Des mesures fiscales sont en vigueur pour encourager la consolidation des Scop. Vous pouvez défiscaliser la réserve impartageable de la coopérative: le bénéfice qui est laissé dans la société. La mesure incite à très peu rémunérer le capital, mais plutôt la force de travail.

Cette réserve impartageable augmente la capacité d’investissement de la Scop. Cette réserve appartient en même temps à tout le monde et à personne. Chacun y a contribué, mais l’indivision de ces sommes accumulées au fil des ans est non négociable.

A.É.: On a constaté une meilleure résistance des Scop face à la crise, cette réserve est une partie d’explication?

J.-M. F.: Oui. De par la constitution de réserves impartageables, les Scop disposent de fonds propres plus importants par rapport à une société «classique» de même profil et même taille. Les dividendes, la rémunération du capital sont plutôt faibles parce que la finance est au service du projet économique.

De plus, les associés salariés interviennent dans la gestion de l’entreprise. Les repères sont plus clairs pour tout le monde avec la transparence des comptes. Dans une société classique, si on vous dit «ça va mal», vous êtes obligé de le croire. Demandez un groupe de travail pour évaluer la situation et vous allez voir la tête du dirigeant d’une société classique! Dans une Scop, il n’y a pas de rapport de force. Les comptes sont sur la table et les solutions sont dégagées ensemble.

A.É.: Mais tous les salariés n’ont pas vocation à pleinement s’impliquer dans la vie de l’entreprise…

J.-M. F.: Oui, je ne vais pas vous mentir: il y a des Scop où les associés salariés font pleinement confiance à leur organe dirigeant. Cela s’inscrit aussi dans leur histoire où ces dirigeants ont fait leurs preuves dans des situations difficiles. La démocratie, c’est aussi déléguer. Mais avec la Scop, si les salariés associés veulent reprendre la main, ils en ont le pouvoir. La loi coopérative leur confère 65% des droits de vote.

Être associé à l’entreprise Scop dans laquelle on travaille est encouragé. La loi de 1947 qui porte sur les Scop est à ce titre très bien pensée. Elle met tout en œuvre pour que, progressivement, la plus grande majorité des salariés deviennent associés.

A.É.: Avec la crise économique, les Scop sont-elles une solution crédible pour relancer les sociétés tombées en faillite? Notamment au plan industriel?

J.-M. F.: Depuis dix ans, malheureusement, les Scop partagent les mêmes statistiques que le secteur industriel au niveau national. On constate un déclin et une prédominance des sociétés de services. Il y a de cela 20 ans, le secteur secondaire et BTP (bâtiments et travaux publics) constituaient les deux tiers des Scop. Aujourd’hui, elles ne représentent plus que 40%.

Le secteur industriel est un problème de marché, surtout en France. Dans le secteur industriel, la société subit au préalable la délocalisation de son activité, l’entité locale a vu son chiffre d’affaires chuter et son patrimoine est réduit à une portion congrue. On arrive bien à faire quelques coups, mais il ne faut pas se leurrer. Il n’y a bien souvent presque plus rien à sauver.

De plus, et vu la situation du secteur, on ne peut pas lancer tous les salariés dans ces entreprises, car le tissu économique est fort dépendant des grands donneurs d’ordres. Les PME sont malheureusement souvent des sous-traitants des grands groupes, contrairement à l’Allemagne. En cas de crise de secteur, automobile par exemple, elles ne parviennent pas se positionner sur de nouveaux segments de marché. Elles ont un savoir-faire technique, mais sans autonomie.

A.É.: Du coup, doubler le nombre de Scop en cinq ans comme l’a annoncé le gouvernement français, c’est plutôt un vœu pieux, non?

J.-M. F.: C’est en tout cas ce que souhaite le mouvement coopératif en lien avec le gouvernement. Mais si l’objectif est désigné, il faut encore mettre les outils en place. Nous attendons beaucoup de la Banque publique d’investissement (qui doit développer les PME innovantes, l’économie locale, sociale et solidaire, un des premiers engagements du président François Hollande, NDLR) qui prend ses marques. Il n’y aura pas de nouvelles dispositions fiscales et sociales particulières. Il nous faut compter sur nos propres forces et atouts.

Olivier Bailly

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