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Regard critique · Justice sociale

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Une formation pour outiller et stimuler la pair-aidance

En janvier 2016, l’Université de Mons a lancé une nouvelle formation à la «pair-aidance» en santé mentale et en précarités. L’objectif? Outiller l’accompagnement et l’entraide par les pairs.

En janvier 2016, l’Université de Mons a lancé une nouvelle formation à la «pair-aidance» en santé mentale et en précarités. L’objectif? Outiller l’accompagnement et l’entraide par les pairs.

La pair-aidance est une fonction ayant pour but de développer les liens sociaux, l’entraide, le soutien moral, la participation, la citoyenneté dans les champs de la précarité sociale ou de la santé mentale. Sa particularité? Elle repose sur l’«expertise du vécu», autrement dit sur la transmission d’un savoir basé sur sa propre expérience de la souffrance sociale et/ou psychique.

Le développement d’emplois de pairs-aidants en est aujourd’hui à ses balbutiements en Belgique francophone. Mais de nombreuses personnes remplissent bénévolement toute une série de missions d’accompagnement et d’entraide qui s’y apparentent.

Grosso modo, on peut identifier quatre types de tâches exercées par les pairs-aidants: l’accompagnement psychosocial de proximité; l’animation de groupes de parole d’usagers; le développement de la participation à un niveau plus macro (via des comités de patients, aux politiques de santé mentale); et la déstigmatisation de la maladie mentale.

«C’est un rôle très délicat à exercer, car cela n’est pas facile de métisser les logiques de professionnalité et d’entraide.», Pascale Jamoulle, anthropologue

«Les pairs-aidants ont aussi dans les structures une fonction de médiation, de traduction entre les professionnels et les usagers, analyse Pascale Jamoulle, anthropologue et chargée de cours à l’Université de Mons et à l’UCL. Ils ont des grilles de lecture différentes et jouent le rôle de tiers. C’est un rôle très délicat à exercer, car cela n’est pas facile de métisser les logiques de professionnalité et d’entraide. Mais c’est super-intéressant et cela peut vraiment être une corde à l’arc en plus des structures qui les intègrent.»

Une formation basée sur la coconstruction

Depuis janvier dernier, les pairs-aidants ont la possibilité de suivre à l’Université de Mons une formation qui leur est spécifiquement destinée. Elle vise à professionnaliser les pairs-aidants qui souhaiteraient en faire leur métier, à outiller ceux qui préfèrent continuer à exercer ce type de missions en tant que bénévoles. Une formation très utile, estime Nicolas Hotton, pair-aidant depuis un an et demi au sein du projet Housing First à Bruxelles (Lire «Nicolas Hotton: son vécu, ferment du travail social»). «Au début je me sentais très seul dans mon travail, je devais construire une fonction qui n’existait pas. Cela m’a donné de l’assurance, témoigne-t-il. C’est une formation basée sur la coconstruction des savoirs. C’est très chargé émotionnellement, ça travaille nos traumas. Mais tous les vendredis, quand je sors de là, je me sens boosté. C’est très thérapeutique, mais il y a aussi énormément de connaissances qui sont véhiculées.»

La formation fait appel à de multiples intervenants, mais repose aussi sur les échanges entre les participants. «Ce qui fait formation, c’est aussi la rencontre entre des personnes qui ont vécu des souffrances très différentes. L’objectif est qu’ils ne soient pas seulement experts de leur propre vécu, mais qu’ils puissent travailler avec des personnes qui vivent d’autres souffrances que la leur», précise Pascale Jamoulle.

Outre la formation des pairs-aidants eux-mêmes, l’enjeu est aussi de préparer leur intégration dans des équipes de professionnels. Car celle-ci peut bousculer le travail social dans ses habitudes. «On essaye de travailler cela dans le cadre des stages, mais aussi au cours de tables rondes que nous organisons avec des professionnels», explique encore l’anthropologue, qui défend par ailleurs la nécessité d’instaurer un statut de pair-aidant afin de stimuler la création et de sécuriser de nouveaux emplois. Cette formation, et le diplôme qu’elle délivre, se veut un premier pas en ce sens. Encore faudra-t-il qu’elle soit elle-même pérennisée, puisque son financement repose actuellement presque exclusivement sur des subsides annuels.

 

«Nicolas Hotton: son vécu, ferment du travail social», Alter Echos n°434, Marinette Mormont, novembre 2016

 

 

Aller plus loin

«Nicolas Hotton: son vécu, ferment du travail social», Alter Echos n°434, Marinette Mormont, novembre 2016

 

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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