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Regard critique · Justice sociale

Ordonnance missions locales : dernière séance ?

Les missions locales ont pu discuter de leur ordonnance et de leur « Livre Blanc » avec le cabinet de Benoît Cerexhe, le 29 janvier au cinéma Vendôme.

15-02-2013 Alter Échos n° 354

Quatre ans que l’ordonnance concernant les missions locales pour l’emploi (MLE) a été votée et voilà qu’arrive enfin l’arrêté d’exécution concernant leur financement. Réunies au cinéma Vendôme, les MLE ont pu questionner le cabinet de Benoît Cerexhe tout en le cuisinant à propos d’un « Livre blanc » qu’elles lui avaient remis.

Les travailleurs des missions locales ont de l’humour… ou ils n’en ont pas et le hasard fait plutôt bien les choses. C’est en effet au cinéma Vendôme que les neufs MLE, soutenue par la Fébisp (la Fédération bruxelloise de l’insertion socioprofessionnelle), avaient choisi de rencontrer, le 29 janvier dernier, des représentants du cabinet de Benoît Cerexhe, ministre bruxellois de l’Emploi, pour le « climax » d’une histoire débutée le 7 novembre 2008 par l’adoption de l’ordonnance dédiée au secteur. Depuis, on doit avouer que l’on avait presque fini par oublier qu’elle existait, gagnés par une somnolence due au train de sénateur avec lequel le scénario de ce dossier avait progressé. Jugez plutôt : en plus de 48 mois, les occasions de se réveiller avaient été rares puisque seuls deux arrêtés d’exécution avaient été votés le 24 septembre 2009 (instauration d’un comité de collaboration entre les missions locales, les « lokale werkwinkels », Actiris et le ministre de l’Emploi) et le 8 mars 2012 (relatif à l’agrément des structures). A part ça…

Vapeur toute

Pourquoi cette lenteur ? Pour Luca Ciccia, directeur de la mission locale de Saint-Gilles, la raison est simple : « L’ordonnance est mal née. Son texte a été rédigé sans consulter le secteur et ne lui correspond pas. » Résultat des courses, il semble que le cabinet de Benoît Cerexhe se soit trouvé dans l’obligation de corriger le tir dans les arrêtés. Un travail long et peut-être quelque peu dénué de sens aujourd’hui dès lors que la régionalisation de grands pans de la politique de l’Emploi prévue pour 2014 risque de redistribuer quelques cartes du côté des missions locales.

Néanmoins, même lancé à la manière d’un vapeur, le train continue à avancer : un troisième arrêté se profile aujourd’hui à l’horizon. Et pas n’importe lequel puisque celui-ci concerne le financement des missions locales. « On touche ici au nerf de la guerre », admet Luca Ciccia qui explique qu’en septembre 2012, les missions ont dû rendre leurs demandes d’agrément dans le cadre de la « nouvelle » ordonnance sans connaître leurs mécanismes de financement puisque l’arrêté fixant ceux-ci devrait, on l’a dit, arriver en mars. « Elles ont donc décidé de rendre un dossier vide », explique-t-il tout en soulignant que si l’arrêté de financement, dont il dit ne pas connaître le contenu, devait ne pas convenir, « cela risque d’être problématique vu que les dossiers sont vides ».

De quoi réveiller un secteur, qui a ainsi été faire le pied de grue devant le cabinet du ministre le 17 janvier 2013 en demandant 18 millions d’euros « afin d’effectuer le travail qui leur est demandé » et un accompagnement de maximum 100 demandeurs d’emploi par an par conseiller (le comité de collaboration travaille actuellement sur un chiffre un peu plus élevé, qui est de 150). Cela dit, les revendications des missions locales ne s’arrêtaient pas à ces simples considérations puisque cette petite visite a aussi été l’occasion pour elles de remettre à Benoît Cerexhe un « Livre blanc des missions locales », fruit des réflexions menées par les travailleurs au cours de trois journées de travail pilotées par la mission locale de Saint-Gilles (par le biais d’une commission associant paritairement les directions, les travailleurs et la Febisp) en automne 2012. L’occasion pour un secteur traditionnellement varié de se rassembler et de prendre des positions communes sur des sujets plus vastes comme l’activation des demandeurs d’emploi, le partenariat avec Actiris et les relations avec celui-ci lorsqu’il prendra en charge le contrôle des chômeurs ou encore le sens de l’insertion en situation de chômage de masse. Au total, neuf thèmes sont ainsi abordés dans le livre blanc, charriant chacun leur lot de revendications.

« Heureux de vous l’entendre dire »

Au cinéma Vendôme, ce sont ces neuf thèmes qui ont été débattus. Si les missions locales espéraient pouvoir bénéficier de la présence de Benoît Cerexhe, elles ont finalement dû se contenter de deux représentants, le ministre ayant été invité chez le Roi pour une raison inconnue. Soumis à un flux continu de questions préparées par les travailleurs des missions locales « sans être bridés », d’après la Febisp, les représentants du ministre ont répondu sans filet, en à peu près trois minutes à chaque fois. Une gageure quand on sait que certains points auraient presque mérité une demi-journée d’échanges à eux seuls. « Je suis heureux de vous l’entendre dire », nous dira d’ailleurs Nicolas Gougnard, conseiller emploi au cabinet de Benoît Cerexhe, lorsque nous lui ferons remarquer ce détail à son retour du front. « J’espère que les gens auront compris qu’il n’était pas évident de répondre en deux minutes à des questions complexes dans le cadre d’une négociation qui n’est pas finie », continuera-t-il tout en insistant sur l’importance de l’exercice. « L’enjeu est que les gens n’aient pas l’impression que rien n’a été fait. »

Pour le démontrer, Nicolas Gougnard s’est prononcé au sujet de plusieurs points importants. Pour le financement du secteur, il a ainsi déclaré que les 18 millions réclamés ne lui paraissaient « pas déraisonnables ». « Nous voulons utiliser l’ordonnance pour stabiliser le secteur », a-t-il dit en affirmant qu’il ne serait pas demandé à celui-ci de faire plus avec les mêmes moyens. « Il s’agira de vous financer par rapport à ce qu’on vous demande, tout en sachant que le problème réside dans la situation disparate des neuf missions locales. » Côté chiffres, un million d’euros, exécutables en 2014, seront ainsi ajoutés aux 15 millions d’euros de budget total de l’ordonnance.

Concernant le contrôle des chômeurs par Actiris et la collaboration de ce dernier avec les missions locales, l’orateur déclare : « Nous sommes mal à l’aise par rapport à l’évolution des choses, nous n’avons pas travaillé pendant huit ans à l’amélioration du rôle d’accompagnement d’Actiris pour le transformer en un rôle de contrôle. Le problème sera de garder les deux métiers séparés. Et vous concernant, notre but n’est pas de transformer votre travail en un travail de contrôle. » Pour ce qui est de l’accompagnement des chômeurs, « notre vision de l’emploi, ce n’est pas la chasse aux chômeurs, nous pensons qu’une bonne façon de traiter le chômage est de donner aux demandeurs un accompagnement qui ait une valeur par lui-même. Nous investissons dans l’économie, nous tentons d’outiller les Bruxellois pour qu’ils puissent répondre aux annonces. Est-ce que la situation est dangereuse ? Oui. Mais c’est aussi à cause de décisions prises au fédéral sans tenir compte de la spécificité de Bruxelles », finira-t-il par dire.

Des réponses limitées par le manque de temps, on l’a dit, mais qui semblent en avoir satisfait certains. « Les réponses sont parfois un peu simples, mais cette rencontre permet, pour les travailleurs, de démystifier le sujet, de s’impliquer, et de se rendre compte qu’il s’agit d’une matière compliquée, nous dira Dominique Jonlet, responsable du service emploi/formation de la mission locale de Saint-Josse. L’important réside aussi dans la présence du cabinet, c’est la première fois que je vis ça… »

En savoir plus

Alter Echos n° 264 du 12.12.2008 : https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=264&l=1&d=i&art_id=18475 Entre contentement et questionnement, les missions locales oscillent

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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