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Petite enfance / Jeunesse

Manuels scolaires, le sexisme toujours à la page

«Maman est en haut, qui fait du gâteau»… Ce n’est pas un secret, les stéréotypes sexués sont toujours très nombreux, notamment dans les manuels scolaires, et auraient une influence sur l’orientation professionnelle des élèves. C’est en tout cas ce que pointent les Cemea, l’OCDE ou encore le Centre pour l’égalité des chances.

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«Maman est en haut, qui fait du gâteau»… Ce n’est pas un secret, les stéréotypes sexués sont toujours très nombreux, notamment dans les manuels scolaires, et auraient une influence sur l’orientation professionnelle des élèves. C’est en tout cas ce que pointent les Cemea, l’OCDE ou encore le Centre pour l’Égalité des chances.

«La plupart du temps, les personnes n’ont pas conscience qu’elles sont porteuses de stéréotypes et qu’elles les véhiculent», raconte Marie-France Zicot, formatrice et responsable du projet «pour une éducation à l’égalité des genres» au sein des Cemea, centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active. Cette asbl propose une formation pour déconstruire ces stéréotypes ancrés dans notre culture. «L’étude que nous avons réalisée en 2012 est venue d’une réflexion des enseignants que l’on rencontrait en formation qui nous ont expliqué que les outils qu’ils avaient entre les mains étaient porteurs de stéréotypes, notamment les manuels scolaires, explique-t-elle. Autant il y a des avancées dans l’égalité entre hommes et femmes, autant ça n’est pas du tout présent dans les manuels. On a l’impression de vivre à l’époque de Mad Men. C’est papa qui travaille et maman qui fait des tartes dans la cuisine.»

Superman ou superwoman?

Sur le total des 15 manuels étudiés, 80% des métiers représentés sont écrits au masculin. En se fondant sur une méthodologie précise, dix constats ont été réalisés. Les héros sont par exemple plus présents que les héroïnes. Les métiers dits masculins sont ceux liés à la force, au pouvoir, à la prise de décision tandis que les métiers dits féminins touchent à l’éducation, au soin aux personnes, à l’esthétique. Une hiérarchie est également perceptible: le directeur face à l’institutrice, le médecin et l’infirmière.

Suite à cette étude exploratoire, les réactions ont été nombreuses. Certains enseignants n’avaient pas conscience du contenu des exercices, ne s’attachant qu’aux compétences mobilisées pour les réaliser. Cette étude leur a permis de désacraliser les manuels et de s’en détacher pour favoriser le dialogue avec les élèves. Les Cemea se plaignent d’avoir reçu des réactions violentes de la part de quelques maisons d’édition. D’autre, au contraire, ont été très positives et ont demandé aux Cemea leur grille d’analyse afin d’améliorer les prochains manuels.

Du point de vue politique, les choses sont également en train de changer. «Le groupe Écolo, qui s’était déjà servi de notre étude pour interpeller l’ancien gouvernement, est en train de remettre l’ouvrage à l’ordre du jour», raconte Mme Zicot. Le parti veut également instaurer un décret pour lutter contre les stéréotypes dans les manuels scolaires «mais on sait que ça va prendre du temps» ajoute-t-elle.

Former les futurs enseignants

Les discriminations sont également présentes dans les attitudes des enseignants et dans leur discours. Ces discriminations sont le plus souvent réalisées sans que l’enseignant en soit conscient. «Je ne crois pas ceux qui disent qu’ils ne sont pas influencés. En formation, ça se voit. Les gens pensent qu’ils font attention mais quand on fait des mises en situation, des réponses au tac au tac, donc des moments où l’on répond sans réfléchir, ça ressort», explique Mme Zicot. L’étude «L’égalité des sexes dans l’éducation» réalisée en 2015 par l’OCDE pointe que les garçons ont plus de difficultés à se discipliner (se taire en classe, lever le doigt, etc.) et à obtenir de bons résultats dans des matières littéraires. Les filles sont au contraire plus dociles et douées en langues. Cela donne lieu à une prophétie autoréalisatrice: les enseignants pensant a priori que les garçons sont tapageurs sont plus sévères envers eux, leur donnant de moins bonnes notes. Cela témoigne du fait que les enseignants ont des idées préconçues quant aux points forts et points faibles de leurs élèves selon leur genre. Ces a priori aboutissent à un renforcement de ces préjugés chez les élèves. Les filles obtenant de moins bons résultats en mathématiques se penseront faibles dans cette matière. Leur confiance en leur capacité diminuée renforce ces moins bons résultats. Cet effet pervers est ensuite reproduit chez les parents qui encourageront moins leur fille à poursuivre des études mathématiques, même si celle-ci obtient de bons résultats dans cette matière.

Une formation des enseignants contre ce genre de comportement peut être une solution. Actuellement, un module «diversité culturelle et de genre» leur est proposé mais «il n’y a pas vraiment de programme, d’objectifs et il est donné par des gens qui ne sont pas forcément motivés», regrette Mme Zicot pour qui l’idéal serait qu’un tel cours soit obligatoire et pas seulement pour les futurs professeurs de morale. «La plupart des enseignants ne sont pas très conscients qu’on peut faire de l’égalité au sein d’un cours de math», raconte Audrey Heine, en charge de l’opération Girls Day Boys Day (GDBD) à la direction de l’Égalité des chances dont le but est de sensibiliser les plus jeunes aux métiers atypiques à travers des animations et des rencontres avec des professionnels. «Parallèlement à GDBD, on a créé un module de formation pour les enseignants qui est un module internet de formation continue pour les enseignants de maternelle, primaire et secondaire, peu importe la matière enseignée», explique-t-elle.

Professions genrées

Les manuels scolaires ainsi que les enseignants sont donc porteurs de stéréotypes. Dès leur plus jeune âge, les élèves sont imprégnés de ces normes sexistes, ce qui influence leur choix d’orientation. «Il y a énormément de stéréotypes dans le chef des jeunes, regrette Audrey Heine. Quand on regarde les chiffres, on voit qu’il y a des métiers qui sont ultraféminins et des métiers qui sont ultramasculins. Chauffeur de poids lourds, c’est moins de 1% de filles. Même ingénieur, on n’est pas à plus de 10% de filles.» Adressé au public du premier et/ou deuxième degré secondaire, l’idée du projet Girls Day Boys Day est «de sensibiliser les élèves au moment où ils sont confrontés au choix des orientations pour qu’ils puissent décider de la façon la plus consciente et égalitaire possible», explique Mme Heine, en poursuivant: «Girls Day Boys Day, c’est un peu particulier parce qu’en dehors des animations, les jeunes rencontrent déjà des professionnels. C’est très concret, ils ont une vision pour eux et ont des modèles d’identification. C’est bien qu’ils puissent voir par exemple un puériculteur qui est bien dans son travail, qui évolue, etc.»

L’année passée, ce sont près de 1.700 élèves aux profils sociaux très différents qui se sont inscrits. «On pourrait penser qu’il y a moins d’écoles défavorisées qui participent au projet mais je dirais que c’est plutôt le contraire», raconte Elena Lanzoni, de l’asbl Interface 3, qui participe à GDBD et dont l’objectif est de former des femmes aux métiers de l’informatique. Au terme du projet, 82% des élèves estiment qu’il n’y a pas de secteur de travail réservé aux femmes ou aux hommes.

 

 

En savoir plus

CEMEAction. (2012). Manuels scolaires et stéréotypes sexués : éclairages sur la situation en 2012. Etude exploratoire.

Opération Girls Days Boys Day, http://www.gdbd.be

Margo D'Heygere (st.)

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