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Regard critique · Justice sociale

Economie

L’effet Mr. Mondialisation

D’un simple blog lancé en 2004, Mr Mondialisation est aujourd’hui devenu un site web qui récolte deux millions de vues par mois et une page Facebook aux plus de 600.000 mentions «j’aime». Des chiffres qui peuvent rendre jaloux les médias traditionnels. Qui est cet insaisissable personnage toujours caché derrière son masque, essaimant des alternatives depuis plus de dix ans sur la Toile?

09-10-2015
©Mr.Mondialisation

D’un simple blog lancé en 2004, Mr. Mondialisation est aujourd’hui devenu un site web qui récolte deux millions de vues par mois et une page Facebook aux plus de 600.000 mentions «j’aime». Des chiffres qui peuvent rendre jaloux les médias traditionnels. Qui est cet insaisissable personnage toujours caché derrière son masque, essaimant des alternatives depuis plus de dix ans sur la Toile? «Je suis un papillon qui ne se pose jamais», répond Mr. Mondialisation à notre demande d’interview. Une discussion skype sera finalement possible. De bon matin, car Mr Mondialisation est au Japon. Et sans webcam, bien sûr.

Alter Échos: Qui êtes-vous?

Mr. Mondialisation: Je suis le peu d’informations que je donne. Un ex-étudiant en sociologie.

A.É.: Qui est Mr Mondialisation?

Mr. M.: Il s’agit d’un blog né en 2004. Je l’ai lancé seul. J’ai ensuite publié des vidéos sur Youtube, qui ont récolté un grand succès. Une communauté est née. La page Facebook a récolté jusqu’à plus de 600.000 abonnés et 2 millions de lecteurs par mois sur le site Internet.

A.É.: Êtes-vous seul?

Mr. M.: Je réalise 80% du travail seul. Vu le succès, je me suis entouré de personnes qui m’ont aidé à monter le site et 2 à 3 bénévoles pour le contenu.

A.É.: Comment définiriez-vous ce site?

Mr. M.: Il s’agit d’un site d’information indépendant, autonome et non subventionné. Nous proposons des contenus propres et nous relayons aussi sur notre page Facebook un tas d’articles d’ailleurs. Nous postons 3 à 4 articles par jour sur le site et 5 publications Facebook. Autour de ça, s’est créé un mouvement de pensée, qui rassemble des objecteurs de croissance et de conscience. On peut appeler cela un think tank citoyen et critique, en opposition aux think thank traditionnels, même s’il s’agit avant tout d’un blog personnel.

A.É.: Sur votre page Facebook, on trouve des contenus relatifs à l’agriculture biologique, la crise économique en Grèce et même les Perséides… Quelle est votre ligne éditoriale?

Mr. M.: Il y a 3 grands axes. Le premier: l’écologie. Nous parlons de tout ce qui touche aux questions environnementales, avec un focus sur les innovations et les alternatives. Le deuxième fil rouge est l’humanisme et l’universalisme. Nous traitons des injustices sociales à travers le monde. Enfin, nous avons un volet artistique. Nous mettons en lien des artistes dont le travail est en lien avec les deux points précédents, c’est essentiel pour nous. On fait ce site dans un esprit universel. Nous partageons la valeur des objecteurs de croissance:«Penser global, agir local.»

A.É.: Pourquoi ne pas vous être nommé Mr Altermondialiste?

Mr. M.: Nous ne sommes pas dans une vision binaires des choses. Mr Mondialisation ne donne pas la couleur. Il n’est pas de notre droit de dire vous êtes «anti» ou «pro», bien que nous soyons évidemment plutôt altermondialistes. Ensuite, il y a une raison plus pragmatique. Il s’agissait d’un blog au départ nommé Mondialisation. Youtube a ajouté le Mr devant ce nom quand j’ai posté mes vidéos.

A.É.: Êtes-vous apolitique?

Mr. M.: Je préfère le terme a-partisan. Les idées qu’on porte sont infiniment politiques, mais nous n’avons pas de position partisane, ni ne sommes ancrés dans un pays. On estime qu’on peut de ce fait tout critiquer.

A.É.: On pourrait reprocher votre côté «bisounours», ou du moins très optimiste et parfois un peu déconnecté du réel.

Mr. M.: Nous veillons à maintenir un certain équilibre entre informations plus «noires» et solutions positives. Je veux ouvrir au débat. La signature est d’ailleurs toujours «infos et débats».

A.É.: Vous avez pourtant posté plusieurs articles sur l’allocation universelle, uniquement en faveur de ce concept…

Mr. M.: Le revenu de base n’est pas la seule solution. J’en parle parce que ça me séduit à titre personnel mais cela n’empêche pas le débat.

A.É.: Vu le contenu que vous proposez, on peut se demander pourquoi vous gardez l’anonymat…

Mr. M.: On ne délivre pas d’informations énormes c’est vrai, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer demain. Si nous devions par exemple avoir un dossier comme Wikileaks, je préfère garder l’anonymat… De plus, ce personnage masqué est aussi une manière de dénoncer le culte de la personnalité présent dans le monde politique et militant.

A.É.: Comment gérez-vous les commentaires sur la page Facebook?

Mr. M.: Ça peut partir dans tous les sens, mais on modère et s’en sort plutôt bien… Par rapport aux «gros médias», j’observe une automodération entre les utilisateurs.

A.É.: Tirez-vous des revenus de ce site, notamment par la publicité?

Mr. M.: Oui, les publicités nous apportent 40% de nos revenus. Mais il y a une réflexion. On bannit les publicités qui nous dérangent. Nous n’aurons jamais de publicité pour Monsanto ou Coca-cola. Des solutions éthiques commencent à naître pour filtrer la publicité, on s’y intéresse. Nous recevons aussi des dons de lecteurs.

A.É.: Vous reprenez les recettes mises en places par les médias «traditionnels» sur leur site, comme les buzz. N’est-ce pas paradoxal avec les valeurs de décroissance que vous défendez?

Mr. M.: Non, les buzz sont utiles pour ramener des personnes supplémentaires sur la page et défendre nos idées. Nous avons de nombreux dossiers de fond, qui peuvent parfois faire plusieurs pages. Ceux-là sont rarement partagés, ou quelques centaines de fois, contrairement aux buzz qui le sont des milliers de fois. Le mix entre informations légères et dossiers fouillés est assumé.

A.É.: Utiliser Facebook ne tient-il pas aussi du paradoxe?

Mr. M.:  Cette critique nous a déjà été formulée. Nous sommes également présents sur Diaspora, un réseau social libre, beaucoup moins connu. Utiliser Facebook nous permet d’avoir assez de revenus pour faire vivre ce réseau social. On ne sait pas comment cela évoluera à l’avenir.

A.É.: Comment expliquez-vous ce succès?

Mr. M.: Je ne sais pas répondre. La grande force du concept, je pense, est de n’avoir jamais été organisé. Il ne s’agit pas d’un projet, mais d’un blog personnel.

A.É.: Y-a-t-il une volonté de davantage vous imposer dans l’univers médiatique à l’avenir, de vous affirmer comme un «nouveau» média?

Mr. M.: Des forces gravitent autour de nous et tentent de nous récupérer afin de nous intégrer dans quelque chose de plus institutionnel. Nous voulons garder la liberté et la proximité avec les lecteurs.

 

 

 

Manon Legrand

Manon Legrand

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