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«La violence des riches»: morceaux choisis, jubilation, et partis pris

Les sociologues français Michel et Monique Pinçon Charlot étaient invités ce jeudi soir à la maison du livre de Saint-Gilles pour présenter leurs travaux, notamment leur dernier ouvrage, «La violence des riches, chronique d’une immense casse sociale» publié en poche à La Découverte en septembre 2014.

01-12-2014

Les sociologues français Michel et Monique Pinçon Charlot étaient invités jeudi soir à la maison du livre de Saint-Gilles pour présenter leurs travaux, notamment leur dernier ouvrage, «La violence des riches, chronique d’une immense casse sociale»  publié en poche à La Découverte en septembre 2014.

«On est devenu une marque en matière de sociologie engagée!» On les appelle les Pinçon, les Charlot, les Pinçon-Charlot, c’est selon. Qui sont-ils et comment ont-ils eu l’idée de travailler sur les dominants?  Lui, Michel Pinçon, fils d’un ouvrier ardennais, a été élevé très loin des niveaux de richesse de la grande bourgeoisie parisienne sur laquelle il a enquêté avec sa femme dés la fin des années nonante. Elle, Monique Pinçon-Charlot, est fille d’un magistrat lozérois, un chouïa plus proche du gotha. Elle voulait être journaliste pour entrer dans tous les foyers de France. Elle rentrera dans les plus riches pour  scruter, avec son mari, leurs fonctionnements.  Un couple dans la vie et dans le travail, un modèle de sociologie à découvrir. 

Ils  sont peu nombreux dans le monde de la recherche à travailler sur les très riches, et c’est pourquoi ces deux sociologues sont si précieux pour penser la crise aujourd’hui. Ils cherchent à comprendre où se déploient les logiques de domination, où sont les lieux de l’entre soi, quels sont les «ghettos du gotha!». Leurs constats sont limpides. Il ne faut pas se voiler la face : démantèlement des classes populaires, crise sociale et domination de la bourgeoisie vont de pair. Eux l’osent: le «bourgeoisisme» est l’adversaire d’aujourd’hui. Et de mettre un nom sur ce qu’on appelle les «marchés financiers», leurs impacts, leur logique pernicieuse, alors que souvent ils sont désincarnés pour l’opinion publique. Pour ne pas montrer que des gens sont bien à la manœuvre derrière ces marchés, derrière ce libéralisme qui s’infiltre partout. Leur prisme, c’est de rappeler combien le libéralisme et la mondialisation s’incarnent dans des individus, économiques et politiques, de gauche comme de droite. 

Selon nos deux sociologues, il est donc grand temps de faire la critique du «bourgeoisisme»

La dérégulation des marchés et le néolibéralisme, largement mis en place en France par Monsieur Beregovoy, 1er ministre de gauche, rappelons-le, s’installe peu à peu dans tous les secteurs économiques et sociaux  depuis vingt ans (banques, industrie, médias, hôpitaux, monde intellectuel…) et le cynisme de la classe dirigeante ne semble plus avoir de limites.

Ces deux sociologues critiquent les riches, «riches ils veulent être, riches nous les stigmatiserons!» assène Monique  Pincot-Charlot, qui montre les liens sans appel entre crise sociale pour les plus pauvres et enrichissement des détenteurs de capitaux. 

Les  «casseurs», ce sont les classes dominantes, pas les ouvriers ou les chômeurs excédés lors des manifestations sociales que l’ont connaît à travers toute l’Europe aujourd’hui, martèlent nos deux orateurs. Pour Michel Pincot, les syndicats, dont le rôle devrait aussi être  d’apporter un regard plus acéré sur cette réalité ont  abandonnés en grande partie la grille de lecture selon laquelle la domination de la bourgeoisie et la concentration des pouvoirs dans leurs mains est le problème majeur de la crise sociale et sociétale que nous traversons. Une large partie de la gauche traditionnelle qui adhère au libéralisme et au néolibéralisme est aussi celle qui dirige aujourd’hui le monde syndical aujourd’hui, regrette-t-il. 

Autre focus,  que Monique Pincot-Charlot présente à une salle réceptive et enthousiaste, c’est la question du comportement de l’État français, de ses hauts fonctionnaires comme grand actionnaire des grosses entreprises publiques ou comme administrateurs d’entreprises ou de services publics. Alors qu’il est censé représenter l’intérêt général dans les conseils d’administration, l’immense travail d’enquête de nos orateurs démontre que les hauts fonctionnaires de l’État agissent d’abord en tant que représentants de leur classe. Et on le sait, les rangs des hauts fonctionnaires sont dans leur écrasante majorité issue des beaux quartiers et des classes sociales supérieures. Dans ces réunions, c’est une classe sociale qui est mobilisée pour la défense de ses intérêts. Représenter l’État est devenu secondaire. La solidarité de classe marche tout en haut, dans les hautes classes. En bas, les classes populaires sont devenues désaffiliées – au niveau familial, social, financier, professionnel- et la peur empêche la révolte. Jusqu’à maintenant. 

Les ouvrages des Pinçon-Charlot sont d’intérêt public à mes yeux.  Illustrer, démonter un par un le modèle et illustrer toute la violence de la guerre que les riches mènent contre les classes populaires et moyennes est incontournable pour aller de l’avant. Et comme le rappelle un participant dans la salle en fin d’exposé, la bourgeoisie, «c’est ceux qui définissent la valeur de choses, des gens. Puisqu’elle est hégémonique dans les sphères du pouvoir, elle nous fait adhérer à sa vision du réel»…. C’est le pire. 

 

Aude Garelly

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