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Regard critique · Justice sociale

Economie

60 jours au rythme de l’économie collaborative

Eugénie Ravon, comédienne française de 31 ans a décidé de vivre exclusivement grâce à l’économie collaborative pendant deux mois. Elle relate cette expérience dans le documentaire « 60 jours collaboratifs », réalisé par Sylvain Pioutaz.

01-07-2016

Eugénie Ravon, comédienne française de 31 ans a décidé de vivre exclusivement grâce à l’économie collaborative pendant deux mois. Elle relate cette expérience dans le documentaire « 60 jours collaboratifs », réalisé par Sylvain Pioutaz. Mis en ligne sur Youtube, il comptabilise déjà plus de 15.000 vues. 

Alimentation, transport, emploi… On suit durant un peu plus d’une heure les alternatives mises en place par Eugénie pour quitter l’économie de marché. Son outil principal pour l’aider à vivre « collaboratif » : Le Bon Coin, site français qui compile petites annonces, offres d’emploi et vente d’objets. Eugénie Ravon met son vécu en perspective avec des paroles d’ expert(e)s de l’économie collaborative comme Ann-Sophie Novel (auteure notamment de La vie share : mode d’emploi) ou encore Denis Jacquet, le fondateur de l’observatoire de l’uberisation. La comédienne fait même un saut dans un écovillage allemand entièrement converti à l’économie collaborative. S’il pourra sembler superficiel ou naïf par les spécialistes de la question ou les citoyens déjà aguerris à ce nouveau type de pratiques, ce documentaire a le mérite d’éclaircir un concept encore flou et de donner des idées à tout-un-chacun désireux de s’intéresser à cette « autre » manière de vivre.

Alter Échos: Pourquoi avez-vous accepté ce défi ?

Eugénie Ravon: Cette expérience rejoignait mes préoccupations citoyennes. Je voulais voir s’il était possible de sortir de l’économie classique et comment passer à l’économie collaborative en tant que novice. C’était intéressant pour moi de jouer le jeu, de tenter cette immersion à 100%, avec ses réussites et ses déconvenues. L’idée était aussi de tester si je pouvais adopter une démarche éthique au quotidien à Paris sans être fortunée.

A.É.: Avant, où en étiez-vous en matière d’économie collaborative ?

E.R.: Un peu nulle part. J’utilisais le covoiturage, j’achetais quelques objets sur Le Bon Coin…

A.É.: Qu’avez-vous retenu de ces 60 jours ?

E.R.: Ce qui m’a surtout frappée est le nombre impressionnant d’initiatives qui existent pour consommer autrement : circuits courts, AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne, équivalent des Groupes d’achats commun qui existent en Belgique,ndlr), repas chez les gens, camping collaboratif… Ces initiatives sont pour la plupart nées de la crise et constituent donc une réponse face à un pouvoir d’achat qui diminue. J’ai également apprécié la nouvelle convivialité engendrée par l’économie collaborative. Elle met les gens en connexion. J’ajouterais aussi une troisième chose : la question du temps. Vivre selon l’économie collaborative nécessite une mise en place, un nouveau rapport au temps. Ca prend plus de temps mais ce temps n’est pas perdu.

A.É.: Il y a eu des frustrations aussi…

E.R.: Paradoxalement, le temps que prennent certaines choses quand on vit selon l’économie collaborative me frustrait parfois. J’étais confrontée à la schizophrénie qu’on peut tous avoir dans ce genre de situations. Faire 6 heures de voiture au lieu de 2 heures de train, c’est difficile pour quelqu’un comme moi, droguée à la société de consommation et à l’immédiateté. La convivialité a aussi sa face B. On peut tomber sur des gens peu accommodants ou avec qui on a tout simplement pas envie de parler.

eugenieravon

A.É.: Votre expérience de travail en tant que livreuses de vélo n’a pas été réjouissante, avec un salaire de 22 euros brut pour 2h30 de travail.

E.R.: Oui, on était mal payés, mal protégés. Il fallait que je pédale énormément pour arriver à gagner un peu d’argent. C’est le signe que c’est faux de croire qu’avec l’économie collaborative, on va travailler moins ou mieux qu’en tant que salarié. Il y a une flexibilité, ça permet à des étudiants de bosser mais c’est très précaire… Cette expérience est aussi la preuve que l’économie collaborative est fourre-tout. On peut y mettre autant du troc qu’Uber et autres initiatives qui sont le signe d’un nouvel âge du capitalisme. Je me suis rendu compte à ce propos qu’il existe encore un flou législatif autour de l’économie collaborative.

A.É.: Avez-vous gardé certains réflexes suite à cette aventure de 60 jours ?

E.R.: Oui, évidemment. De façon générale, je constate que je ne consomme plus de la même façon. Par exemple, quand pars ce week-end, je n’envisage plus autre chose que le covoiturage. Je ne vais plus au supermarché au profit des coopératives alimentaires. Côté vêtements, j’essaye de trouver du « made in France » ou de m’habiller en seconde main.

Le documentaire « 60 jours collaboratifs «  à visionner sur Youtube. 

L’aventure d’Eugénie Ravon est aussi relatée sur un Tumblr 

Aller plus loin sur Alter Échos :

Matthieu Liettaert : « Réapproprions-nous l’économie collaborative»Alter Échos,  20 novembre 2015.

Economie collaborative : solidarité ou capitalisme 2.0 ? Dossier d’ Alter Échos, novembre 2014.

 

Manon Legrand

Manon Legrand

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