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Économistes atterrés: «Revaloriser les minimums sociaux»

Ils ne sont plus que trente et un. Mais malgré l’assassinat de Bernard Maris, ce 7 janvier, ils repartent à l’attaque. Dans son «Nouveau manifeste», le collectif de chercheurs, universitaires et experts en économie, qui compte dans ses rangs des pointures telles que Henri Sterdyniak (OFCE) et Frédéric Lordon (CNRS), pourfend les thèses néolibérales et apporte des contre-propositions à la politique de l’offre. Marché du travail, fiscalité, finances publiques… revue de détail en six points clés.

© Les liens qui libèrent

Ils ne sont plus que trente et un. Mais malgré l’assassinat de Bernard Maris, chroniqueur à Charlie Hebdo, ce 7 janvier, ils repartent à l’attaque. Dans son Nouveau manifeste, le collectif de chercheurs, universitaires et experts en économie, qui compte dans ses rangs des pointures telles que Henri Sterdyniak (OFCE) et Frédéric Lordon (CNRS), pourfend les thèses néolibérales et apporte des contre-propositions à la politique de l’offre. Marché du travail, fiscalité, finances publiques… revue de détail en six points clés.

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Parmi les propositions existe un fonds souverain qui investirait dans la transition énergétique ou la mise au point d’indicateurs économiques pour remplacer le produit intérieur brut.

Les Économistes exhortent aussi les dirigeants à mettre en place une vraie taxe européenne sur les transactions financières, permettant à la fois de lutter efficacement contre la finance dérégulée et rapportant aux États de vraies recettes.

Pour finir, ils proposent de changer radicalement le fonctionnement de l’euro – voire d’en sortir – en mettant fin à l’indépendance de la Banque centrale européenne et de revenir sur les règles de Maastricht. À lire au moment où les Grecs demandent la renégociation de leurs créances.

Relancer la demande et le plein emploi

Les Économistes atterrés ont identifié plusieurs chantiers. L’écologie y occupe une place centrale, puisque «l’aspect social et l’aspect écologique de la crise se renforcent. Les plus pauvres, dans les pays riches et encore plus dans les pays moins développés, sont et seront les plus durement touchés par la dégradation écologique», écrivent-ils.

Conclusion: la relance de l’activité doit se faire en fonction des nouveaux objectifs environnementaux. «Il faut arrêter d’augmenter la compétitivité par de bas salaires. Cela ne fonctionne pas puisque les entreprises ne créent pas plus d’emplois», observe Benjamin Coriat, professeur d’économie à l’université Paris 13 et coprésident du collectif. «Il faut un choc de la demande verte et arrêter la politique de l’offre qui ne marche pas. Il faut au contraire favoriser le plein emploi en développant massivement les trois chantiers urgents que sont la rénovation thermique des bâtiments, le développement des énergies renouvelables et des transports collectifs», poursuit Christophe Ramaux.

Une fiscalité écologique et solidaire

Comment les financer? «Par l’épargne, les banques publiques d’investissement, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières et sur les activités nuisibles, qui favorisent la pollution ou la spéculation, par le renforcement de l’imposition des sociétés, par la lutte contre la fraude fiscale qui s’élève à 70 milliards d’euros par an», répond Philippe Légé, maître de conférences en économie à l’Université de Picardie.

Quid des produits financiers verts? Le collectif les écarte, estimant qu’ils ne parviennent pas à répondre aux défis écologiques, comme le montre l’échec du marché européen de quotas d’émissions, avec un prix de la tonne de CO2 devenu imprévisible et ridiculement bas. Au total, le coût de la transition énergétique est évalué à 350 milliards d’euros par an, pendant dix ans, dans l’Union européenne. «Le coût de l’inaction serait bien plus élevé», rappelle le groupe.

Une taxe sur les transactions financières

Les Économistes atterrés considèrent que la libre circulation des capitaux a eu des effets désastreux: «Elle rend possible une spéculation échevelée des capitaux de court ou de très court terme. Elle met en concurrence des travailleurs, en permettant au capital de se déplacer d’un point du globe à un autre. C’est elle, enfin, qui autorise l’évasion dans les paradis fiscaux.» D’où l’urgence, selon eux, d’instaurer une véritable taxe sur les transactions financières, qui freinerait la spéculation et diminuerait le risque de formation de bulles sur les marchés financiers.

Une intervention publique et des initiatives citoyennes

Les Économistes atterrés en sont convaincus. Accompagnée de lois d’objectifs, la fiscalité écologique doit aussi être incitative pour aider les productions non polluantes, privilégiant la durée de vie des produits plutôt que leur obsolescence programmée, ainsi que l’agriculture de proximité, biologique ou agroécologique au détriment de l’agriculture intensive, grosse consommatrice d’énergie et d’intrants chimiques. «La politique agricole commune, qui représente un tiers du budget total de l’Union européenne doit être revue en fonction de ces nouvelles exigences», affirme le Nouveau manifeste, alors que le verdissement souhaité lors de la dernière réforme de la PAC a passablement échoué. Pour être durable, la transition énergétique doit aussi s’appuyer sur une forte intervention publique, des initiatives de collectivités locales et de citoyens.

Augmenter les prestations vers les familles, les chômeurs et les retraités pour participer au «mieux-être social»

Modulation des allocations familiales en fonction des revenus, gel des retraites, appels à une nouvelle réforme de l’assurance chômage… le gouvernement a multiplié les coupes dans les prestations sociales ces dernières années. Tout faux pour les Économistes atterrés. «Oui, il faut assurer un niveau de vie satisfaisant aux enfants. (…) Oui, en situation de chômage de masse, il faut prolonger la durée d’indemnisation. (…) Oui, les minimums sociaux doivent être revalorisés, et leur évolution doit être indexée sur celle du salaire moyen. (…) Oui, il faut restaurer l’universalité de l’assurance maladie», plaident-ils.

Faire fondre les dettes publiques grâce à l’inflation

Résorber les dettes des États en coupant dans les dépenses publiques? Inefficace, selon ces économistes, puisque ces politiques d’austérité plombent aussi la croissance, et résultent en une augmentation du ratio de dette rapporté au produit intérieur brut. La solution serait alors de réduire la dette… grâce à l’inflation. En effet, plus les prix augmentent vite, et plus la valeur réelle de la dette diminue. D’où leur idée de relever l’objectif d’inflation de la Banque centrale européenne, actuellement fixé à 2%.

En savoir plus

À lire: Nouveau manifeste des Économistes atterrés. 15 chantiers pour une autre économie, Éd. Les liens qui libèrent, 160 p., 10 euros.

Rafal Naczyk

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