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Santé

Du hasch à la hache

Centre de postcure pour toxicomanes à Carnières, Ellipse organise des activités en lien avec la nature.

Dans une ferme rénovée au centre de Carnières, Ellipse organise des séjours de postcure pour des personnes toxicomanes ou alcooliques sevrées. Des activités en lien avec la nature, comme le bûcheronnage et le travail au potager, leur sont proposées.

 

De vieilles pierres, du bois, du verre et de l’acier, au premier regard, le centre d’hébergement résidentiel Ellipse1 évoque davantage ces fermes rénovées par de jeunes couples d’architectes présentées dans les émissions télévisées du vendredi soir qu’un centre résidentiel pour ex-toxicomanes. Le mobilier design en moins ! Dans le couloir, une femme entre deux âges, le visage marqué par les épreuves de la vie, passe la serpillière. Faire le ménage ou la cuisine fait partie des tâches simples et quotidiennes que les résidents doivent apprendre avant de réintégrer la société. Sur le mur du foyer, des poulets poussant des chariots de supermarchés ont été peints à coups de pinceau grossier. « Dur dur la société de consommation », peut-on lire sur la fresque qui surmonte un vieux poêle à bois. Dans quelques semaines, quand les températures auront baissé, on pourra y faire brûler les bûches que les résidents ont coupées dans le bois de Leugnies cet hiver.

Grâce à un prix décerné par la BNP Paribas Fortis Foundation, le centre Ellipse a fait l’acquisition en 2012 de scies, de tronçonneuses et de véhicules pour un projet pilote de bûcheronnage. Le bois coupé par les résidents sera distribué cette année du centre à des bénéficiaires du CPAS de Morlanwez. « Les gars ne voulaient même plus s’arrêter pour prendre une pause, se souvient Didier Renotte, animateur horticole et l’initiateur du projet chez Ellipse. Avec le jardinage, on a plus de mal à motiver les résidents. Peut-être, parce que le lien avec ce que l’on produit est moins direct. Quand on travaille au potager, il faut compter six mois pour voir ce que l’on a planté dans la terre atterrir sur l’assiette. Et puis, avec le bûcheronnage, il y a aussi un côté boy-scout sympa qui attire. »

Destination Vladivostok

« Je n’ai jamais été à Vladivostok, mais avec la neige, j’avais l’impression de voyager dans le Grand Nord. Je regardais l’horizon, c’était magique, confie dans un élan presque lyrique un résident. Cette journée m’a fait découvrir qu’il y avait de belles choses dans la vie. Comme la nature. Et comme aider son prochain. Ça m’a touché de savoir que les bûches allaient servir pour aider des gens qui sont aux CPAS. Je vous jure ! Depuis, j’ai même commencé à parrainer un enfant tibétain », poursuit le gaillard au crâne rasé et aux bras tatoués. Son voisin, bien que plus réservé, garde aussi de cette petite expédition dans les bois un souvenir plutôt agréable. « Quand on est occupé à travailler dans la nature, on ne pense pas à autre chose, déjà rien que ça, c’est énorme. »

Pour les résidents comme pour les encadrants, cette activité est aussi l’occasion de passer du temps ensemble dans un cadre moins réglementé que d’ordinaire. Une cure chez Ellipse dure neuf mois – c’est un des séjours postcure parmi les plus courts organisés en Belgique – durant lesquels les résidents sont accompagnés pour préparer leur retour dans la société, se remettre en ordre d’un point de vue administratif, renouer contact avec leur famille, chercher un logement, un emploi, s’inscrire à une formation. Les deux premiers mois, l’encadrement est strict. Pour rester à l’écart de la tentation, les résidents sont confinés dans l’enceinte du bâtiment. Les règles s’assouplissent ensuite. Les sorties sont autorisées le week-end, puis en semaine. « Sur trois patients en moyenne qui passent ici, il y en a un qui sort, un qui rechute et un qui revient, estime Antonieta Leone, chargée de mission chez Ellipse. Neuf mois c’est court pour accompagner ces personnes, mais on n’a pas de financement pour prolonger davantage. Notre rêve serait de pouvoir créer des logements de transit pour nos anciens résidents. » En attendant, pour garder un contact avec les anciens résidents qui le souhaitent, Ellipse a décidé de leur ouvrir son potager.

La postcure et après ?

Les centres résidentiels de postcure permettent à des personnes, souvent ballottées d’institution en institution, de se poser pour préparer leur retour dans la vie sociale. Malgré les guidances et les accompagnements que mettent en place ces structures, la question de la sortie reste délicate pour ces publics particulièrement vulnérables. Au centre de cure et de postcure des Hautes-Fagnes2, on distingue différents cas de figure, explique Jean-Marie Maquet, le directeur : « Il y a les personnes qui quittent le centre au terme prévu. Si elles le demandent, mais c’est rare, elles peuvent continuer à bénéficier des entretiens avec nos travailleurs sociaux. Il y a les personnes dont on sent que le séjour devient problématique, soit qu’elles risquent de décrocher, soit qu’elles sont mises à la porte parce qu’elles posent des problèmes de sécurité et de violence. On essayera de trouver un partenaire dans notre réseau, si c’est possible, qui puisse prendre le relais pour éviter qu’elles ne disparaissent dans la nature. Et puis, il y a les personnes qui claquent la porte, qui ont décidé de faire une croix sur tout le travail qui a été fait et pour lesquelles on ne peut rien. »

À l’Espérance, centre de postcure pour personnes alcoolodépendantes près de Thuin, qui accueille des résidents pour une durée variant entre trois mois et un an, la question de la sortie fait également l’objet de toutes les attentions. Dix journées sont d’ailleurs prévues pendant la cure durant lesquelles les résidents quittent le centre pour réaliser quelques démarches et expérimenter le contexte de sortie. Au terme du séjour, certains choisiront de reprendre une vie en autonomie, d’autres se tourneront vers des structures semi-encadrées telles que les habitations protégées ou encore vers leur famille. « Nous veillons à aiguiller les patients vers des projets en tenant compte de leurs réalités et fragilités. Malheureusement, il y a un manque important de structures relais pour la sortie, » confie la directrice Laurence Pierre.

 

En savoir plus

Ellipse :

  •  tél. : 064 44 17 20
  •  courriel : ellipse.secretariat2@gmail.com
  • site : http://www.ellipsecentre.be

Centre de Cure et de Postcure Les Hautes-Fagnes :

  •  tél. : 080 79 98 30
  • site : http://www.hautesfagnesmalmedy.be

L’Espérance :

  • tél. : 071 59 34 96
Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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