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Regard critique · Justice sociale
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En Wallonie, le PIB n’est plus le seul maître à bord : la Région vient de se doter de nouveaux indicateurs permettant d’évaluer la situation sociale et environnementale. Purement économique, le PIB ne dit en effet rien du bien-être d’une population, des inégalités ou des externalités négatives engendrées par certaines activités, comme la pollution. L’Institut wallon de l’évaluation, la prospective et la statistique (Iweps) a été mandaté par le précédent gouvernement wallon pour calculer ces nouveaux indicateurs. Entretien avec Isabelle Reginster, Christine Ruyters et Sébastien Brunet, respectivement codirectrices du projet et administrateur général de l’Iweps.

Alter Échos : Pourquoi élaborer des indicateurs complémentaires au PIB?

Iweps : L’idée est de multiplier les boussoles. Les partenaires sociaux, plusieurs associations, des experts académiques et les décideurs politiques s’accordent en effet pour dire qu’à côté du PIB, qui mesure l’évolution de la production économique, il faut développer des indicateurs complémentaires permettant d’en savoir plus sur les progrès sociaux et environnementaux d’une société, d’un pays, d’une région. Des initiatives se sont multipliées à différents niveaux, international, national, régional ou même local, prises soit par des institutions comme l’OCDE, le PNUD, soit par des États, soit par la société civile. À l’Iweps, nous avons analysé 51 expériences d’indicateurs synthétiques ou tableaux de bord complémentaires au PIB.

A.É. : Vous avez construit trois nouveaux indicateurs : l’indice de la situation sociale, l’indice du bien-être ainsi qu’un indicateur qui concerne l’empreinte écologique et la biocapacité de la Wallonie. Pourquoi ceux-là en particulier?

Iweps : Le développement d’indicateurs complémentaires au PIB était inscrit dans la Déclaration de politique régionale du gouvernement wallon en 2009 ainsi que dans une mesure du plan Marshall 2.vert. En 2012, le gouvernement a sélectionné cinq indicateurs phares choisis pour leur efficacité communicationnelle comparable à celle du PIB et a confié à l’Iweps le soin de les calculer. Nous en avons publié trois, dans une première version, avant la fin de la précédente législature. Nous travaillons à présent à leur amélioration et à la préparation des deux autres indicateurs prévus : un indice de capital économique (le PIB étant une mesure de flux) et un indicateur d’état de l’environnement pour la Wallonie. L’Iweps y a également ajouté un indicateur de gouvernance. D’autres boussoles sont donc à venir!

A.É. : Que disent ces indicateurs? Comment les avez-vous construits?

Iweps : Ils ont tous les trois des objectifs différents; les méthodologies de construction sont donc spécifiques et adaptées. L’objectif principal de l’indice de la situation sociale est de dresser un panorama statistique, année après année, de la situation sociale en Wallonie. Cet indice est calculé au niveau de la région et s’articule autour de dimensions généralement reconnues comme constituantes des conditions de vie et de la qualité de vie de la population : emploi, sécurité, culture, logement… Nous l’avons calculé annuellement pour une période de 11 ans, de 2002 à 2012. Sur la base d’un large tableau de bord mesurant les ressources de la société et les déséquilibres socio-économiques de celle-ci, nous avons sélectionné 24 indicateurs clés pour lesquels nous disposions de valeurs fiables pour la Wallonie et comparables dans le temps.

A.É. : Et l’indice des conditions de bien-être?

Iweps : L’indice des conditions de bien-être (ICBE) se fonde sur une approche différente. Plus de 1 200 citoyens wallons ont été consultés et se sont exprimés sur ce qui compte pour eux en termes de bien-être pour tous. Concrètement, la mesure proposée dans l’ICBE mobilise 58 indicateurs, disponibles à l’échelle des 262 communes wallonnes, organisés en familles, dimensions et sous-dimensions du bien-être. Le choix de ces indicateurs repose à la fois sur une recherche de sens par rapport aux expressions citoyennes et sur des critères de pertinence statistique. Nous avons également calculé un score moyen régional.

A.É. : Quid de l’empreinte écologique et de la biocapacité?

Iweps : Elles ont été calculées à partir du protocole de calcul développé par le Global Footprint Network, un réseau international qui poursuit les travaux des deux chercheurs canadiens qui ont inventé ces indices en 1996. L’empreinte écologique comptabilise la demande de services écologiques adressée chaque année par les hommes à la nature. La biocapacité représente, elle, la capacité des écosystèmes à fournir des matières biologiques utiles et à assimiler des déchets générés par les hommes en utilisant les modes de gestion et les technologies d’extraction existantes. Comme pour l’indice de situation sociale, nous l’avons calculé annuellement sur une période de 11 ans, de 2002 à 2012.

A.É. : Ces nouveaux indicateurs permettent d’apposer une autre grille de lecture sur la situation socio-économique et environnementale de la Wallonie. Y a-t-il des résultats significatifs?

Iweps : Chaque indicateur est riche d’enseignements spécifiques. Les indices de situation sociale (ISS), calculés sur 11 ans, montrent une courbe avec plusieurs fluctuations. L’ISS réagit plus vite que le PIB à la crise de 2008, par le biais des dimensions santé (comprenant le taux de suicide), valeurs (comprenant l’indice de satisfaction de vie) et formation. Les tendances les plus récentes vont vers une évolution positive de l’indice. Nous sommes impatients de voir si cela va se poursuivre. Les empreintes écologiques calculées sur les 11 dernières années montrent quant à elles une courbe quasi stable des pressions exercées sur le capital naturel. Cela peut être rassurant, mais aussi perturbant; malgré certains efforts, les pressions sur l’environnement, telles que traduites par cet indicateur, ne diminuent pas. L’empreinte écologique de la Wallonie atteint 4,87 ha globaux par habitant en 2012.

 A.É. : Et l’indice des conditions de bien-être, que montre-t-il?

Iweps : L’ICBE a donné lieu à une représentation cartographique qui permet d’apprécier la distribution territoriale en termes de bien-être par commune, mais aussi par groupe de communes. Elle montre des valeurs élevées dans le Brabant wallon, dans le nord de la province de Namur, vers l’Est de la Région ainsi que quelques communes dans la province de Luxembourg et au sud de l’agglomération de Charleroi. Ottignies-Louvain-la-Neuve, Amblève, Saint-Vith, Assesse, Bullange, Grez-Doiceau, Donceel, Vaux-sur-Sûre, Attert et Tintigny se classent dans le top 10. Les valeurs plus faibles s’observent principalement dans les provinces de Hainaut, de Liège et dans le sud de la province de Namur. Néanmoins, les écarts entre la commune la moins favorisée et la commune la plus favorisée sont faibles. Cela témoigne du fait que des communes mal classées sur l’ICBE final se révèlent performantes dan

 

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Alter Échos n°360 : cinq indicateurs complémentaires pour la Wallonie

Amélie Mouton

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