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«Capital Digital»: des formations IT pour jeunes défavorisés

L’asbl Maks a lancé en 2015 le projet «Capital Digital», une école de programmation pour enfants et jeunes de milieux défavorisés de 8 à 20 ans. En apprenant à créer un robot ou une app, ils développent de nouvelles compétences de manière ludique.

L’apprentissage de l’informatique, avec quelques surprises. (c) Aubry Touriel

L’asbl Maks a lancé en 2015 le projet «Capital Digital», une école de programmation pour enfants et jeunes de milieux défavorisés de 8 à 20 ans. En apprenant à créer un robot ou une app, ils développent de nouvelles compétences de manière ludique.

Cureghem. Avec une superficie de moins de deux kilomètres carrés, ce quartier situé derrière la gare du Midi regroupe à lui seul plus de 25.000 personnes de 120 nationalités différentes. Avec une précarisation inquiétante.

«Nous sommes dans des quartiers où il y a plus ou moins 50% de taux de chômage chez les jeunes. Ils ont généralement très peu de choses à mettre sur leur CV et n’ont pas de réseau», déplore Véronique De Leener, la directrice de Maks.

«Il y a cinq-six ans, les enfants venaient essentiellement utiliser les ordinateurs pour y jouer. […] On a alors décidé de leur proposer des outils pour commencer à programmer des jeux.» Véronique De Leener, la directrice de Maks

Maks est une asbl fondée en 1999 à Cureghem. Cette année-là, les membres de l’association ont réalisé une enquête dans le quartier en demandant à la population: «Que voulez-vous comme services de proximité?» Le message de la population qui en est ressorti était le suivant: «On n’arrive pas à payer d’ordinateurs à nos enfants, ce serait bien qu’il y ait un centre informatique.» Grâce à l’aide de la Région bruxelloise, Maks a alors commencé à former des animateurs multimédia, des jeunes du quartier non diplômés et défavorisés, dans un centre informatique ouvert à tous à Cureghem.

Apprendre en s’amusant

Seize ans plus tard, l’asbl s’est bien développée: deux autres centres ont vu le jour: l’un à Molenbeek et l’autre à Schaerbeek. Et, en 2015, elle a lancé son initiative Capital Digital, une école de programmation pour des enfants et des jeunes de milieux défavorisés de 8 à 20 ans.

L’idée est partie d’un constat, raconte Véronique De Leener: «Il y a cinq-six ans, les enfants venaient essentiellement utiliser les ordinateurs pour y jouer. Et on s’est dit: ce n’est pas pour ça qu’on a ouvert un centre informatique. On a alors décidé de leur proposer des outils pour commencer à programmer des jeux.»

Dans le cadre du programme Capital Digital, des jeunes de 15 à 18 ans, formés au préalable, apprennent aux enfants à coder de manière amusante pendant les vacances scolaires. Cette année, les futurs formateurs ont cours du 5 au 7 juillet et donneront à leur tour la formation aux enfants pendant la dernière semaine d’août.

Combiner l’animation et l’informatique

Ce programme permet aux jeunes d’acquérir de l’expérience même s’ils sont issus de familles moins aisées et ont moins facilement accès au marché du travail. «Cela faisait longtemps que je voulais devenir animateur, et Capital Digital m’a permis de combiner cette envie avec ma passion pour l’informatique et la programmation. J’ai principalement appris comment travailler avec des enfants, et comment surtout toujours rester calme», témoigne Genevie (19 ans), d’origine équatorienne, qui termine ses études de photographie à l’Athénée d’Anderlecht.

Lors de cette formation, les enfants ont le choix entre quatre modules: codage de base, conception et programmation de jeux vidéo, initiation à la robotique et programmation d’applications. Ces modules leur permettent d’assimiler des principes de mathématique et de physique de façon ludique, tout en apprenant des «soft skills» qui sont importants dans le marché du travail, comme l’esprit d’équipe, l’esprit analytique ou la prise d’initiatives.

«C’était super de voir que les enfants participaient si intensément. Ils voulaient toujours en savoir plus. J’étais épatée par leurs questions.» Stefania (16 ans), animatrice

Pour certains, comme Stefania, une Roumaine de 16 ans arrivée en Belgique en décembre 2014, c’est l’occasion d’avoir des activités en dehors de l’école. Jusqu’aux vacances de Pâques, elle était dans une classe pour nouveaux arrivants (OKAN en néerlandais). Aujourd’hui elle suit l’option «mathématique-sciences» à l’école secondaire. Elle raconte: «C’était ma première activité parascolaire en Belgique. Capital Digital me permet de travailler avec des enfants et avec l’ordinateur, ce que j’aime beaucoup. En plus, je voulais m’occuper pendant les vacances. C’était super de voir que les enfants participaient si intensément. Ils voulaient toujours en savoir plus. J’étais épatée par leurs questions. Il ne faut jamais sous-estimer les enfants.»

Genevie et Stefania avaient suivi le stage de programmation pour les jeunes. Pendant les vacances de Pâques, ils ont animé un groupe d’enfants âgés de 8 à 10 ans. Ils peuvent ainsi inscrire ce job d’étudiant en tant qu’«animateur en codage» sur leur CV, une expérience toujours bonne à prendre pour l’avenir.

Centre informatique ouvert à tous

Il a été possible de mettre sur pied le programme Capital Digital grâce à des subsides de la Région Bruxelles-Capitale et à des financements privés, par exemple Microsoft. Quelque 38 animateurs forment 120 enfants par semaine de stage. Et ce, en deux langues. À Cureghem et à Schaerbeek, les formations se donnent en néerlandais et à Molenbeek en français et néerlandais.

Dans le même temps, l’asbl essaie aussi d’attirer les personnes plus âgées au centre informatique, car l’asbl organise bien d’autres activités. Pendant trois mois, de 9 heures à midi, des chômeurs reçoivent par exemple une formation pour les aider à trouver un emploi. Ils font notamment un CV vidéo. Du storytelling numérique au cours d’informatique en passant par l’apprentissage de la couture à l’aide de médias sociaux, le panel de formations de Maks est large.

Afin d’attirer un public plus âgé, les (grands-)parents sont invités à la fin de chaque formation pour voir ce que leurs enfants ont réalisé. Ils se rendent ainsi compte qu’il n’y a pas que les jeux sur l’ordinateur. Certains parents réalisent que leurs enfants peuvent travailler à leur scolarité sans être à l’école, que l’on peut apprendre en jouant et en créant. Ils redécouvrent également le potentiel de leurs enfants: «Certains parents disent: ‘Je croyais que mon fils n’était pas très intelligent, car il ne suit pas à l’école, mais quand je le vois créer un robot ici, je me rends compte qu’il n’est pas si bête que ça’

 

En savoir plus

«L’informatique, un prétexte pour rassembler les âges», Alter Échos n°369, 15 novembre 2013, Charline Cauwe et Elisabeth Binard.

Aubry Touriel

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