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Justice

Bracelets électroniques : libres mais sans le sou

La surveillance électronique est de plus en plus utilisée en Belgique, notamment pour lutter contre la surpopulation carcérale. Mais les travailleurs bruxellois de l’aide aux justiciables pointent la précarisation croissante des détenus équipés d’un bracelet électronique.

23-06-2014

La surveillance électronique est de plus en plus utilisée en Belgique, notamment pour lutter contre la surpopulation carcérale. Mais les travailleurs bruxellois de l’aide aux justiciables pointent la précarisation croissante des détenus équipés d’un bracelet électronique.

La Fédération bruxelloises des institutions pour détenus et ex-détenus (Fidex) dénonce la situation interpellante de personnes sous surveillance électronique qui se voient privés du droit au revenu d’intégration social (RIS). Les CPAS qui refusent d’accorder ce RIS à des personne sous surveillance électronique se fonde sur la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale et de l’arrêté royal d’application du 11 juillet 2002, qui prévoient que le détenu dépend du SPF Justice et non du SPP Intégration Sociale. Ces détenus peuvent, s’ils en font la demande, bénéficier d’une allocation du SPF Justice. Le hic ? Cette allocation de remplacement est largement inférieure au RIS, regrette la Fidex. Le RIS pour une personne isolée s’élevait à 817,36 euros par mois au 1er septembre 2013, contre 646,35 euros pour une allocation délivrée par le SPF Justice. Une différence qui ne cesse de s’accroître d’année en année, puisque l’allocation du SPF Justice n’est pas indexée et qu’elle n’a pas été revue depuis 2007.

Au-delà de la précarité dans laquelle ces personnes risque de tomber, insiste Benoît Englebert, président de la Fidex, c’est aussi le risque d’un retour à la case prison qui menace. Car il faut des ressources financières suffisantes (notamment pour l’installation du matériel de surveillance), ainsi qu’un logement pour pouvoir, bracelet à la cheville, respirer l’air « libre » du monde extérieur. « Ce risque ne concerne que les personnes qui ont des ressources très faibles, que ce soit en termes de revenus ou de réseau, mais cela arrive de plus en plus, s’inquiète Benoît Englebert. Et le retour en prison provoque chez elles une grande désillusion. »

Pour les personnes qui ont été condamnées à une peine de plus de trois ans, l’octroi du bracelet dépend du tribunal d’application des peines. Dans le cas d’une peine de moins de trois ans, c’est le directeur de la prison qui prendra la décision. Or les détenus sont insuffisamment prévenus par les directeurs des institutions carcérales des impacts financiers qui peuvent accompagner leur sortie. « L’information donnée aux personnes concernées est malheureusement souvent lacunaire et délivrée dans un contexte qui ne leur permet pas de faire un choix éclairé : rester ou sortir de prison ? », observe la Fidex.

La Fidex appelle à un transfert des moyens financiers du SPF Justice vers le SPP Intégration sociale. « Les personnes sous surveillance électronique sont considérées comme des détenus. Il faut organiser les choses autrement. Il faudrait que le SPF Justice soit en charge des questions sécuritaires mais que, une fois la personne sortie, elle puisse dépendre d’un CPAS », plaide Benoît Englebert. C’est d’ailleurs le cas pour les autres types d’allocations. Les allocations de chômage, l’assurance indemnité mutuelle et les allocations pour personnes handicapées sont maintenues durant la surveillance électronique. Une autre solution, moins ambitieuse, consisterait à indexer le montant de l’allocation du SPF Justice, afin que celle-ci suive l’évolution du RIS.

La proposition de transfert des compétences n’est pas sans rappeler l’appel au transfert des compétences touchant à la santé des personnes détenues du SPF Justice vers le SFP Santé publique et sécurité sociale. Un appel lancé en mars dernier par la Concertation assuétudes prisons Bruxelles (CAPB), avec le soutien de la Fedito Bruxelles.

 

Lire aussi sur la question de la surveillance électronique :

Alter Échos n°375 du 31.01.2014 : « Des peines pas si alternatives ? »

 

 

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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