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Regard critique · Justice sociale

Boom de l’emploi des seniors en France

Des retraités qui travaillent, des sites d’annonces spécialisés, des forums de l’emploi spécifiques… Le secteur de l’emploi pour les seniors est en plein développement en France.

01-03-2013 Alter Échos n° 355

Des retraités qui travaillent, des sites d’annonces spécialisés, des forums de l’emploi spécifiques… Le secteur de l’emploi pour les seniors est en plein développement en France. Un dynamisme influencé par plusieurs lois, qui reste encore timide en Belgique

Maman et aussi grand-mère, Jocelyne habite près de Lille, dans le nord de la France. A 66 ans, cette ancienne assistance de rédaction est retraitée depuis six ans. Une situation qui ne l’empêche pas de replonger de temps en temps dans le monde du travail. « Je cherche des petits boulots dans l’édition ou l’écriture. Je n’ai pas besoin d’un salaire complet, mais je me suis fixé une base d’au moins 300 euros par mois », raconte la dame, qui profite de ce supplément de salaire pour rendre visite à ses petits-enfants.
Des pensionnés qui cumulent emploi et retraite, on en rencontre de plus en plus dans l’Hexagone. Leur nombre a même triplé en six ans. D’après l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), en 2011, ils étaient 500 000 à avoir repris une activité rémunérée sur les 15 millions de Français qui touchent une retraite. Un boom qui n’a pas échappé aux professionnels du secteur. « Ces deux dernières années, on observe en effet que les utilisateurs du système du cumul « emploi-retraite » sont en forte augmentation », constate Françoise Kleinbauer, directrice de France Retraite, une société qui fait de l’information retraite auprès de salariés. Une situation qui a été rendue possible par la loi. Depuis 2008, les conditions du « cumul emploi-retraite » ont été assouplies en France. Une réalité qui n’est pas encore d’actualité en Belgique où ce système est toujours soumis à de fortes restrictions en termes de salaire (voir encadré).  
Mais pourquoi ces seniors éprouvent-ils le besoin de remettre la main à la pâte ? « Il y a bien sûr la crise et les raisons financières, mais pas seulement ». Pour Françoise Kleinbauer, cela ne concernerait d’ailleurs pas la majorité des cas. « Pour certains retraités, comme les cadres par exemple, la rupture avec le monde du travail ne peut pas se faire si brutalement, ils ont besoin d’une période tampon pendant laquelle ils continuent à travailler. Cela permet aussi de garder du lien social, de se sentir utile ».
Si certains seniors font profiter de leur expérience les jeunes recrus ou leur ancienne entreprise, d’autres vont se tourner vers des tâches plus abordables comme la garde d’enfants ou le bricolage. On trouve d’ailleurs énormément d’annonces de ce type sur le site web biitwiin, un des sites leader pour l’emploi des plus de 45 ans. Bertrand Favre l’a lancé il y a quatre ans. « Les 65-70 ans sont nombreux à se tourner vers le marché des services à domicile avec des petits boulots comme bricoleur, professeur particulier. Ce n’est pas étonnant car le senior inspire confiance », analyse cet entrepreneur. Si son site s’adresse au vaste public des seniors, il constate lui aussi que les retraités sont de plus en plus nombreux à chercher un travail d’appoint : « C’est clair, ça se développe très très fort ».

De plus en plus d’acteurs spécialisés

En France, avec notamment l’émergence de ces retraités actifs, c’est tout le secteur de l’emploi des seniors qui se dynamise. On voit ainsi un grand nombre d’acteurs se développer autour de ce marché grandissant qui comprend aussi les seniors actifs, pas encore à la retraite. Des cabinets de recrutement spécialisés dans les plus de 50 ans ouvrent leur porte, on ne compte plus les sites d’offres spécialisés sur la toile, et des forums de l’emploi s’organisent même un peu partout en France spécialement à destination des plus de 50 ans. « Ces derniers ont du mal à se situer sur le marché de l’emploi. Grâce à ce type d’évènement, les entreprises peuvent proposer des postes qui sont ouverts à ce public », analyse Véronique Raguenes, porte-parole du « Paris de l’Expérience et de l’Emploi », un salon qui s’est tenu le jeudi 21 novembre dernier à Paris et qui a attiré quelque 7 000 seniors.
 
Des entreprises encore frileuses

Mais tous ces acteurs restent réalistes : si le nombre de seniors actifs ou retraités augmente sur le marché, la volonté de les mettre au travail ne suit pas toujours de la part des entreprises. « On a de plus en plus d’offres qui nous parviennent, notamment de la part des PME, mais ça reste un marché de niche », confie Bertrand Favre. Un sentiment partagé par David Spire, créateur de Manager50, un cabinet de recrutement spécialisé dans les seniors cadres. « On n’a aucun mal à recruter des candidats, je peux même dire qu’on reçoit une centaine de c.v. par jour. Mais du côté de nos clients, les entreprises, ce n’est pas un marché énorme. Disons qu’on s’en sort bien, car nous sommes très offensifs dans le marketing. »

Si ce cabinet reste optimiste, ce n’est pas le cas de nombreuses agences d’intérim qui avaient fait le choix de se spécialiser dans les seniors. Comme Atout Senior Plus, sans doute l’agence dont l’ouverture en 2011 avait fait le plus de bruit dans les médias, jusqu’en Belgique. Aujourd’hui, elle semble s’être évaporée : pas de site internet et aucun numéro de téléphone valide. Même sort pour Toulouse Intérim Senior. Son patron nous confie avoir mis en sommeil son activité spécialisée seniors. « Nous croulions sous les candidatures, mais ça ne suivait pas du côté des entreprises. Les annonces étaient trop peu nombreuses ».

Des entreprises encore trop frileuses à embaucher les plus âgés, c’est le constat que font encore de nombreux acteurs du jeune secteur de l’emploi des seniors. Cela évolue, mais lentement. « On sent dans les entreprises une prise de conscience que la gestion des âges et des compétences participent à la performance de la société », observe Françoise Kleinbauer, directrice de France Retraite. Il faut dire qu’il y a urgence car les seniors vont être de plus en plus nombreux à débarquer sur le marché de l’emploi ces prochaines années, qu’ils soient retraités, mais surtout actifs. Et pour l’instant, la France, tout comme la Belgique, reste dans ce domaine loin derrière des pays comme la Suède, le Danemark ou la Finlande. Là-bas, le taux d’emploi des seniors dépasse les 60 % alors qu’il ne franchit toujours pas la barre des 50 % chez nos voisins français, comme chez nous.

En Belgique

Contrairement à ce qui se passe en France, les pensionnés sont chez nous très peu nombreux à travailler. Et pour cause, la loi belge reste pour l’instant très restrictive. Un pensionné qui se lance dans une activité professionnelle ne peut pas gagner au-delà d’une certaine somme. Les montants dépendent de l’âge, du type de pension, mais sont très limités. Cette situation devrait évoluer dès janvier 2013. Le gouvernement vient en effet d’adopter un texte qui change radicalement la règle. Désormais, un senior qui a effectué 42 ans de carrière pourra cumuler les revenus de sa retraite avec une autre activité, sans montant limite.

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