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Regard critique · Justice sociale

Culture

Voices : une expo pour la démocratie

Une expo à l’écoute des citoyens pour renouer avec la parole publique

Quant un photographe et la PAC Bruxelles1 unissent leurs valeurs, cela donne une exposition à l’écoute des citoyens, acteurs de la démocratie actuelle

« Voices – Vox Populi », un intitulé d’exposition des plus explicites pour une vraie démarche citoyenne.

Le photographe Damien Gard2 aime à aller à la rencontre des passants, privilégiant le contact humain dans une forme de spontanéité révélant leur personnalité. Il désirait interpeller chacun dans l’espace public, pour pousser à la réflexion quant à l’importance, aujourd’hui plus que jamais, de la parole en tant qu’acte engagé.

Aidé par la PAC Bruxelles (régionale Présence et Action culturelles), il a posé sa caméra dans différentes communes de Bruxelles, à l’écoute.

Un nœud papillon (clin d’œil à notre Premier ministre), quelques mots inscrits sur une ardoise, et le badaud se transforme en tribun d’un jour… « J’ai soumis ce projet à Jean Spinette qui dirige le CPAS de Saint-Gilles car il revêtait, dès le départ, un caractère social. Cette démarche se situe dans la veine de mon travail habituel : je réalise aussi bien des portraits de mode ou en spectacle que dans la rue. Par la suite, je me suis mis en relation avec la PAC Bruxelles. Le projet a été validé en août 2012 et le premier shooting s’est déroulé en avril à Etterbeek. La PAC a pris contact avec leurs différentes sections locales afin d’informer, en amont, leurs membres et d’organiser les séances selon les endroits. J’ai un bon contact avec les gens, il m’est très facile d’aller vers eux. Je m’installe avec un fond, un trépied, un flash et c’est parti, pas besoin d’une grande mise en scène. Tous ces adhérents de la PAC ont non seulement participé aux séances, mais nous ont aidés à démarcher les gens dans la rue en leur présentant notre petit projet culturel et citoyen. J’ai toujours insisté sur le fait qu’il s’agissait d’une zone d’expression libre et qu’on pouvait recevoir tous les types de réactions, sans aucune limite. A chacun de s’exprimer selon son humeur. Je leur explique juste que j’attends d’eux quelque chose d’assez instinctif. »

J’aime les fraises

Pas toujours facile de trouver les mots, de faire entendre sa voix et son opinion. « Il est intéressant de voir à quel point les gens, quand ils se retrouvent face à une certaine liberté d’expression, se montrent perturbés. Ils n’ont plus l’habitude qu’on leur dise « Allez-y, écrivez ce que vous voulez, exprimez-vous ! »

Mon rôle est de « dédramatiser » la situation en leur précisant qu’ils peuvent aussi bien exprimer quelque chose de très profond que de futile. Par exemple, j’adore que quelqu’un ait choisi d’écrire « J’aime les fraises ». Les paroles sont soit politiques, soit légères.

La vraie volonté de ce projet est de remettre les gens face à leur envie de s’exprimer, mais aussi de conscientiser les décideurs de notre pays. Notre voix doit être prise en compte. Les politiques, avant de l’être, étaient de simples citoyens… »

Le succès de la démarche est tel qu’une prolongation au-delà de Bruxelles est envisagée. « Les gens prennent énormément de plaisir à participer, ce qui donne envie à la PAC de faire bouger le projet dans toute la Belgique. Ce serait formidable de pouvoir dépasser le public citadin et d’aller aussi dans les campagnes et d’autres villes comme Liège, Charleroi ou même Anvers, rencontrer d’autres réalités. J’avoue être un idéaliste. Si j’avais perdu espoir en l’homme, je ne ferais pas ce que je fais, comme je le fais. Les gens ne m’étonnent pas car je crois en eux, mais ils me surprennent par leur créativité. »

Passer de l’individuel au collectif

En septembre, une grande exposition se tiendra à la place du Jeu de balle, dans la galerie de Damien Gard, la Macadam Gallery et au-delà.

Autre prolongement : le développement, avec tous les participants qui le désirent, de discussions citoyennes et de réunions de quartier. « Je pense qu’un projet écrit sa vie au fur et à mesure qu’on le construit. Pourquoi ne pas expatrier le projet, aller plus loin encore ? Les gens réagissent de façon tellement positive… Le quotidien n’est pas si pourri que ça quand on valorise les autres et qu’on leur laisse la parole. »

Nadège Albaret, de la PAC Bruxelles, a accompagné le projet « Voices – Vox populi ». « Il nous a permis d’être en contact direct, dans un projet dynamique, avec certaines locales, sur le terrain, à savoir Etterbeek, Forest, Saint-Gilles, Ixelles et Koekelberg. Le second apport de la régionale de Bruxelles fut la perspective de rencontres après le shooting afin de toucher des personnes autres que les militants. Les participants reçoivent par après leur photo, mais sont également invités à une séance très conviviale de discussion autour des réflexions exprimées. Pour quelle raison désirez-vous telle réforme ? Qu’avez-vous envie de changer ? Comment jugez-vous les réformes demandées par les autres ? L’idée est de passer de l’expression individuelle, lors de la prise de vues, à une expression plus collective. Tous les messages se révèlent passionnants et pertinents, y compris ceux des enfants. Chaque phrase renvoie à un problème de société, certaines valeurs, certains faits à dénoncer, et véhicule une portée universelle. »

« Bruxelles est l’une des onze régionales de ce mouvement d’éducation permanente. A Bruxelles, nous comptons 22 sections locales comprenant des militants bénévoles sur les 19 communes de la capitale. En promouvant des initiatives culturelles, on agit sur la dynamique du plaisir, du jeu, en recréant des liens. Un projet comme « Voices » correspond exactement à nos valeurs : descendre dans la rue et demander aux gens ce qui est important à leurs yeux, pour eux, leur commune, leur pays, le monde. Nous cherchons à élaborer des processus interactifs et participatifs dans l’espace public pour reparler de la politique. Porter un artiste et un projet comme ceux-ci se révèle pour nous très enthousiasmant. Quelqu’un m’a un jour demandé « Pensez-vous vraiment que ça va changer quelque chose ? » Le but est ici de renouer avec la politique et de redevenir acteur de la vie sociale par la parole. Prendre la parole n’est malheureusement plus un acte simple, il faut réamorcer ce geste. »

1. Présence et actions culturelles :
– adresse : rue Joseph Stevens 8 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 511 88 26
– site : http://www.pac-g.be

2. Sites : http://www.damiengard.com et http://www.macadamgallery.wordpress.com

Gilda Benjamin

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