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Télé-Accueil: des bénévoles à l’écoute

Télé-Accueil Bruxelles propose, depuis plus de 50 ans, une écoute anonyme, confidentielle et gratuite à toute personne en difficulté. Au bout du fil: des bénévoles prêts à écouter 24 h/24. Alter Échos a rendu visite à une association à la recherche de nouveaux volontaires.

04-06-2015 Alter Échos n° 403

Télé-Accueil Bruxelles propose, depuis plus de 50 ans, une écoute anonyme, confidentielle et gratuite à toute personne en difficulté. Au bout du fil: des bénévoles prêts à écouter 24 h/24. Alter Échos a rendu visite à une association à la recherche de nouveaux volontaires.

Impossible de trouver l’adresse des locaux de Télé-Accueil sur Internet. Et sur le bâtiment, plusieurs sonnettes, mais aucune n’indique la présence de l’organisme. Une discrétion qui s’explique par l’importance de l’anonymat des quelque 70 bénévoles actifs au sein du service d’écoute. «Il ne faut pas que les appelants puissent attendre leurs écoutants à la sortie du bureau», souligne Amélie Romain de Télé-Accueil. Au premier étage, une pièce centrale où se trouve un large panneau affichant des dizaines de prénoms et de chiffres, reprenant les plages horaires des hommes et des femmes qui se relaient pour répondre aux appels. Derrière les portes, restées fermées aux journalistes pour les mêmes raisons d’anonymat, les écoutants investissent l’espace restreint de salles individuelles.

L’anonymat des bénévoles ainsi que la confidentialité de leur activité vis-à-vis de leurs proches relèvent d’une grande importance pour l’association. Un fondement pris très au sérieux par Charlotte, écoutante bénévole de 60 ans active depuis deux ans au sein de l’organisme. «Au début, les consignes étaient tellement strictes que je n’osais même pas en parler à mon mari. Mais à un moment, j’ai bien été obligée de lui expliquer pourquoi je partais en pleine nuit.» En 2014, Télé-Accueil Bruxelles a enregistré 185.298 appels entrants, mais seuls 41.601 appels ont pu être décrochés par un des écoutants. Ces chiffres soulignent l’importance pour l’association de recruter en permanence de nouveaux bénévoles. La prochaine formation aura lieu au mois de septembre 2015.

Pourquoi s’engagent-ils?

«Quelqu’un à qui parler», telle est la devise du service d’écoute. «J’avais envie de m’investir. Quand on a beaucoup reçu, on a envie de donner», dévoile Charlotte. La cause et l’engagement social sont les raisons les plus évidentes pour lesquelles certaines personnes tentent l’expérience du bénévolat. Mais comme le précise l’écoutante, cela lui apporte également un enrichissement personnel: «Les appelants nous amènent vers des endroits qu’on ne connaît pas, mais ça nous ramène aussi à nous. On se demande pourquoi on a réagi de telle manière ou pourquoi on a dit telle chose. Cela m’apporte un questionnement et c’est toujours bénéfique.»

La formatrice de Télé-Accueil Bruxelles, Myriam Machurot, relève que, ces dernières années, certains ont souhaité devenir écoutants pour une autre raison. «Quelques personnes, et surtout des hommes, ressentaient un manque dans leur vie en raison d’une activité professionnelle trop axée sur l’économie», explique-t-elle. «Dans mon cadre professionnel, j’étais en effet amené à avoir énormément de contacts téléphoniques qui amenaient du business pour la société pour laquelle je travaille. J’ai ressenti à une époque le besoin d’utiliser autrement cette voix et essayer de la mettre à la disposition d’une activité non tournée vers l’argent», confirme le témoignage d’un écoutant transmis par Télé-Accueil.

Un encadrement nécessaire

«Ce qui peut être difficile, ce sont les monologues. Dans ces cas-là, les appelants ne nous écoutent même pas. Ils ne font aucune place pour l’autre.» Charlotte, écoutante bénévole

Être à l’écoute de quelqu’un peut ne pas être si facile et n’est pas immédiatement accessible à tout le monde. Télé-Accueil attend de ses écoutants de nombreuses caractéristiques comme faire preuve d’ouverture, être apte à se remettre en question, être capable de ne pas juger, ne pas adopter le rôle d’un conseiller et de savoir prendre de la distance. Cet apprentissage fait d’ailleurs l’objet d’un long processus se déroulant en trois temps. Une première rencontre a lieu entre les responsables de la formation et le futur «écoutant». Lors de cet entretien, le candidat s’exprime sur ses attentes et motivations ainsi que sur sa conception de l’écoute. Après un premier tri, le participant suit une formation initiale durant laquelle il découvre les attitudes d’écoute à adopter par le biais de jeux de rôle. Enfin, il entre dans une période de trois mois de stage où il est confronté à la réalité des appels.

Malgré toute cette préparation, certaines confusions peuvent subsister. Interrogée sur les difficultés de son travail, Charlotte livre une réponse qui peut sembler étonnante: «Ce qui peut être difficile, ce sont les monologues. Dans ces cas-là, les appelants ne nous écoutent même pas. Ils ne font aucune place pour l’autre. Ils n’attendent pas d’échange, mais juste une présence», dit-elle. Si son travail d’écoute peut parfois comporter des frustrations, elle le juge pourtant essentiel, notamment parce qu’il s’agit d’une «écoute que les appelants ne trouvent parfois pas autour d’eux».

Tout au long de son activité au sein de Télé-Accueil, l’écoutant bénéficie d’un soutien afin de faire face aux difficultés qu’il peut rencontrer. Il rencontre un superviseur, souvent un psychologue, une fois par mois pour partager ses doutes, ses questionnements ou encore ses réussites. Soumis à la règle de la non-intervention durant ses appels téléphoniques, le bénévole n’a pas le droit de prendre lui-même l’initiative de contacter la police ou les services de secours. «S’il juge qu’il y a une urgence, tel un suicide par exemple, il doit contacter un membre permanent de Télé-Accueil. C’est donc un de ces membres qui, au nom de l’institution, prend la décision d’intervenir», explique Amélie Romain. En revanche, l’écoutant a le droit d’informer son interlocuteur ou de l’orienter vers différents services. Les écoutes ont aussi la particularité d’être ponctuelles. Il ne s’agit pas de mettre en place un travail thérapeutique, mais bien d’offrir une écoute sur le moment même. Cette règle de non-suivi doit être tenue par l’écoutant qui ne peut, en aucun cas, fournir des informations à son allocutaire sur ses horaires de travail.

 

Études de l’Observatoire social de Télé-Accueil Bruxelles

L’Observatoire social de l’organisme sort régulièrement des analyses concernant différentes thématiques basées sur les récits délivrés par les appels. «Il se dit à Télé-Accueil des choses qui ne se disent pas ailleurs (…) et qui, de ce fait, méritent d’être analysées et communiquées tant à l’intérieur de l’institution que vers l’extérieur», estime le service d’écoute. Isoler une thématique de travail et renvoyer ses observations vers la presse et les responsables politiques est une démarche non négligeable pour l’organisme. «En publiant ces études, nous avons l’espoir de donner lieu à une prise de conscience et de rediriger les décisions politiques», indique Myriam Machurot.

La dernière recherche réalisée en mars 2015 porte sur les familles. L’étude, basée sur une centaine de récits, s’est penchée plus particulièrement sur les mères de famille. La majorité des appels à Télé-Accueil proviennent en effet de femmes faisant régulièrement part de difficultés liées à ce rôle. La mère semblerait être le noyau dur de la famille, portant sur ses épaules de nombreuses responsabilités. Tel est le constat principal qui ressort de l’analyse.

Nastassja Rankovic

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