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Retour aux sources pour le Crioc

Fondé en 1975, le Centre de recherche et d’information des organisations des consommateurs (Crioc) a bien failli disparaître près de quarante ans après sa création. En cause : une gestion décriée des ressources humaines de l’ancien directeur, Marc Vandercammen, une suspicion planant sur les résultats d’enquêtes toujours plus nombreuses et probablement aussi une visibilité trop grande de l’institution et de son directeur qui a fini par énerver. En fin de compte, cette fondation d’utilité publique aura la vie sauve… mais à condition de rentrer dans le rang.

©Kanar

Fondé en 1975, le Centre de recherche et d’information des organisations des consommateurs (Crioc) a bien failli disparaître près de quarante ans après sa création. En cause : une gestion décriée des ressources humaines de l’ancien directeur, Marc Vandercammen, une suspicion planant sur les résultats d’enquêtes toujours plus nombreuses et probablement aussi une visibilité trop grande de l’institution et de son directeur qui a fini par énerver. En fin de compte, cette fondation d’utilité publique aura la vie sauve… mais à condition de rentrer dans le rang.

C’est en 1975, alors que les mouvements consuméristes s’activent et que le droit de la consommation est en pleine ébullition, que voit le jour le Crioc. Ses missions : apporter une aide technique aux organisations de consommateurs, confrontées à des matières toujours plus complexes. Comme son nom l’indique, il s’agit de mettre sur pied un service qui viendra en appui des organisations féminines, familiales, syndicats et autres structures qui se sont créées ou ont mis à l’ordre du jour de leur agenda la protection des droits des consommateurs. Le ministre des Affaires économiques de l’époque, André Oleffe, propose d’affecter une part de budget pour la création et le fonctionnement de ce centre. Le travail d’analyse, de veille juridique, d’enquêtes débutait alors, soutenu par un centre de documentation. Pendant des années, le Crioc a tenu ce rôle auprès des organisations de consommateurs. Son expertise en matière de pratiques de commerce, de droits des consommateurs, de sécurité alimentaire et d’autres domaines se situant de plus en plus dans un contexte européen est clairement reconnue, même si pour certains l’organisme manque de dynamisme et tarde à se moderniser, notamment dans l’informatisation de sa documentation pourtant foisonnante et fouillée.

Dans les turbulences

L’arrivée de Marc Vandercammen à la tête du Crioc, début des années 2000, a considérablement changé la donne : assistant social de formation, puis se formant au marketing et titulaire d’une licence universitaire, il dirige le service d’études économiques de la FGTB avant d’arriver au centre. Engagé en 2001, il impulse une dynamique nouvelle et fait sortir cet organisme de son rôle d’appui aux organisations de consommateurs pour en quelque sorte prendre place à leurs côtés. Les enquêtes initiées par cet organisme se multiplient, la présence de son directeur sur les plateaux de télévision également. Le Crioc porte plainte dans certains dossiers mettant à mal les droits des consommateurs. Outre sa dotation publique de 1 700 000 euros, il multiplie les contrats de collaboration avec des cabinets ministériels wallons, des organismes parapublics bruxellois, des instances européennes pour diligenter des enquêtes, créer des baromètres, des indicateurs… Il participe également à la mise sur pied d’une coopérative, Power4You, visant la fourniture d’énergie à des conditions favorables pour les consommateurs (laquelle coopérative existe toujours indépendamment du Crioc). Concernant cette place grandissante, il faut remarquer que bien avant la polémique de 2012 sur la gestion du centre, des dissensions avaient déjà éclaté, amenant notamment Test-Achats à quitter le conseil d’administration de cet organisme.

Si, durant les premiers temps, l’accueil du public est plutôt positif et les résultats des enquêtes réalisées par cet organisme sont largement relayés dans la presse, l’on s’interroge néanmoins au fil du temps sur la prolixité du Crioc, la profusion d’enquêtes en tous sens (jusqu’à plusieurs par semaine), la visibilité médiatique de son président. C’est une enquête du Vif/L’Express datant de 2012 qui viendra confirmer certaines interrogations, attestant d’un malaise profond au sein du personnel par rapport à une gestion des ressources humaines critiquable menant à une rotation de personnel effrénée. Autres points qui fâchent : la qualité des enquêtes effectuées dont la rigueur méthodologique par rapport aux données recueillies est mise en cause, ainsi que le caractère scientifique des analyses qui en sont tirées. Cette enquête journalistique fera bien des remous, mettant dans l’embarras les membres du CA parmi lesquels on retrouve la CSC, la FGTB, les mutualités chrétiennes et socialistes, le Gezinsbond ou la Ligue des familles qui préfère quitter le CA à cette époque. Deux audits mettent le doigt sur des dysfonctionnements. Des déclarations malencontreuses du directeur à cet égard aboutissent à son licenciement, avec – très curieusement – des remerciements du CA qui n’hésite pas à dire que « le Crioc perd un directeur motivé et enthousiaste qui a mis son cœur et son âme dans son travail ».

Un nouveau souffle

Ces événements remontent à deux années maintenant, le Crioc existe toujours et devrait bientôt reprendre vie. S’il n’a pas cessé d’exister formellement, ses activités ont été très sérieusement mises en veilleuse pendant ces deux années, laissant 25 personnes dans l’expectative quant à leur emploi et le futur de cet organisme. Il a été question à plusieurs reprises de le faire disparaître. Le ministre Vande Lanotte parlait un moment de le supprimer pour le remplacer par un service fédéral de médiation à destination des consommateurs. En attendant de trouver une voie, certaines décisions transitoires ont été prises, comme celle de déménager le Crioc de son siège d’activité plutôt géant d’Anderlecht vers les bureaux du SPF Économie du centre-ville. Sa dotation a également été réduite de près de 500 000 euros et a été prolongée de trimestre en trimestre depuis deux ans.

Fin mai, un nouveau contrat de gestion a été signé par tous les membres du conseil d’administration (voir encadré) : il s’agit avant tout, comme le précisent Christelle Tecchiato, représentante de la CSC, et Monique Van Dieren, des Équipes populaires, au CA du Crioc, « de restaurer le rôle initial du centre en tant qu’organisme d’expertise auprès des organisations de consommateurs. Un retour aux sources par rapport à l’objet social initial de cette fondation d’utilité publique. Plus question d’enquêtes d’initiative ou de présence dans les médias de manière autonome : le Crioc va se recentrer sur des missions de recherche et de veille juridique, avec la plus-value d’une spécialisation scientifique incontestable. Peter-Jan De Coninck, juriste spécialisé en droit de la consommation et en droit européen, déjà présent dans l’équipe avant les difficultés de 2012, a été nommé coordinateur du service d’études et un nouveau directeur va être recruté d’ici à septembre ». Pour son travail d’expertise, le Crioc devrait pouvoir bénéficier des données d’enquêtes du SPF Économie, du fait de son rapprochement avec l’administration, prévu dans le contrat de gestion. Il conservera son rôle de rapporteur auprès du conseil de la consommation, ainsi que la capacité de représentation des organisations de consommateurs au sein de commissions techniques. Il devrait poursuivre également ses collaborations avec les autorités régionales, l’IBGE ou encore certaines instances européennes.

Seule inconnue dans le tableau : l’issue de la procédure judiciaire que l’ex-directeur du Crioc a engagée auprès des tribunaux de travail afin d’exiger des indemnités nettement plus élevées que ce qui lui a été concédé lors de son licenciement.

Cet article a été initialement publié dans les Échos du crédit et de l’endettement n°42 de juillet 2014.

Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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