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Regard critique · Justice sociale

Culture

L’Épicerie: un pont entre les communautés

Un lieu d’émancipation et de rencontre, c’est ce que veut devenir «L’Épicerie», le projet de centre éducatif et culturel de l’asbl Ras-el-Hanout.

Un lieu d’émancipation et de rencontre, c’est ce que veut devenir «L’Épicerie», le projet de centre éducatif et culturel de l’asbl Ras-el-Hanout.

Rue du Ruisseau à Molenbeek. Une porte de garage qui s’ouvre sur un grand espace de 800 mètres carrés, qui fait penser à un entrepôt. C’est dans cet endroit, pour l’instant froid et gris, que se dessine un projet ambitieux: «L’Épicerie», un centre éducatif et culturel. L’initiative vient de Ras-el-Hanout, une association créée en 2010 par trois jeunes musulmans dont l’objectif, est d’aider les jeunes molenbeekois et bruxellois à s’émanciper à travers la culture.

C’est dans ce cadre qu’ils développent et présentent des pièces de théâtre abordant des problématiques sociales diverses avec une touche artistique et humoristique: «À la base, nous avons voulu monter notre première pièce, Fruit étranger, qui parle de la discrimination», explique Ismail Akhlal, l’un des fondateurs de Ras-el-Hanout. «Étant des personnes engagées sur diverses questions et aimant l’art de la scène, on s’est dit qu’il fallait concilier les deux. Après cela, on s’est rendu compte qu’il y avait une réelle attente, une demande de tout un pan de la population qui voulait se reconnaître dans une offre culturelle qui n’existait pas encore à ce moment-là.»

«Il y a de toutes les populations ici: Flamands, évangélistes, Afghans, Marocains, etc. mais ils ne vivent pas ensemble. Avec L’Épicerie, on veut jeter un pont entre ces gens»,Ismail Akhal, L’Epicerie

Si le public de Ras-el-Hanout est essentiellement issu de l’immigration, il se diversifie de plus en plus surtout lors de pièces qui abordent des thématiques comme le chômage. Par ailleurs, avec les événements récents, de plus en plus de gens s’interrogent sur l’islam, sur ce qu’il se passe à Molenbeek («la commune la plus connue de Belgique», plaisantent-ils) et sur la communauté musulmane. «Il y a des gens avec des idées préconçues mais il y a aussi beaucoup de gens qui se posent des questions et c’est à ces gens curieux, qui vont au-delà des ‘on-dit’, que l’on s’adresse. On est une ouverture, une fenêtre sur les activités de notre communauté», déclare Ismail Akhlal.

Un lieu «carrefour»

Toutes ces activités ont besoin d’un lieu, avec une identité et une autonomie propres. C’est pourquoi ils ont voulu créer leur propre centre culturel dans ce qui était, auparavant, une ancienne imprimerie: «On a trouvé un endroit incroyable parce qu’il se trouve à Molenbeek mais aussi dans la zone canal. Il y a de toutes les populations ici: Flamands, évangélistes, Afghans, Marocains, etc. mais ils ne vivent pas ensemble. Avec L’Épicerie, on veut jeter un pont entre ces gens», s’enthousiasme Ismail Akhal.

Cet endroit permettra à Ras-el-Hanout d’y présenter ses pièces de théâtre mais aussi d’avoir un lieu polyvalent où activités et formations pour jeunes, ateliers artistiques, débats ainsi qu’un studio y prendront place. «L’Épicerie, c’est un peu l’endroit dans lequel tu trouveras toujours ce que tu cherches, où tu rencontres des gens et où tu te sens en confiance et à l’aise.»

Méfiance envers l’associatif musulman?

S’ils sont installés dans les bureaux depuis août 2015, le bâtiment ne leur appartient pas encore tout à fait. Ils doivent encore l’acheter. Actuellement en recherche mais sans subside, ils appellent les gens à les soutenir de diverses manières expliquées sur leur site.

Corinne Torrekens, qui a étudié les impacts politiques de l’insertion de l’islam dans la société belge, déclarait que l’associatif musulman était difficilement soutenu (lire Corinne Torrekens: «L’associatif musulman est difficilement soutenu»). Si Ras-el-Hanout reçoit un accueil plutôt favorable, Ismail Akhal avoue: «Même si on ne se définit pas comme un centre culturel musulman, on est bien des musulmans qui ouvrent ce centre. On s’affiche de manière décomplexée en tant que jeunes bruxellois musulmans et ça peut crisper. Je pense que la méfiance existe du côté des politiques qui ont parfois peur de se mouiller et je le comprends. Mais le tout, c’est de créer la rencontre tant avec les gens qu’avec les politiques. C’est l’inconnu qui fait peur.»

Aller plus loin

Alter Échos n°352-353, «Cohésion sociale : mieux vivre ensemble à Bruxelles»,  janvier 2013 (numéro spécial)

Marie Jauquet

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