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Regard critique · Justice sociale

Carte blanche

Le CPAS doit-il disparaître pour exister?

La rentrée s’annonce mouvementée pour les CPAS. Les financements manquent et certains CPAS sont dans l’obligation de mettre fin à des services pourtant indispensables à la population, avertit Bernard Antoine, qui nous adresse cette carte blanche. Le directeur général du CPAS de Montigny-le-Tilleul y tire la sonnette d’alarme. Faut-il que les CPAS disparaissent pour forcer la prise de conscience de leur utilité?

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La rentrée s’annonce mouvementée pour les CPAS. Les financements manquent et certains CPAS sont dans l’obligation de mettre fin à des services pourtant indispensables à la population, avertit Bernard Antoine, directeur de CPAS, qui nous adresse cette carte blanche.

Il y a de ces paradoxes de la gestion publique qui surprennent. Alors que la précarité augmente, les CPAS voient leurs moyens diminuer et sont même avilis par certains.

Trop souvent considérés comme une administration à l’ombre de la commune, les CPAS sont au cœur de défis sociétaux énormes et devraient impliquer le déploiement de politiques sociales à tous les étages législatifs.

Mais le discours ambiant n’est pas à la solidarité interinstitutionnelle, mais plutôt à «chacun ses responsabilités» et à «chacun de faire des efforts». Fort bien! Mais qu’en est-il alors quand l’effort des pouvoirs supérieurs consiste à restreindre les pouvoirs subordonnés?

Dernier rempart contre la précarité, le CPAS devient insidieusement aussi le dernier rempart contre les politiques inefficaces d’autres acteurs publics qui transfèrent aux pouvoirs locaux de nouvelles charges. Ceux-ci ne gèrent plus la pauvreté, ils ne peuvent plus que tenter de la réguler au départ de concepts vieillissants qui leur sont imposés par des gouvernements en panne de créativité. L’activation professionnelle, panacée de l’État social actif, fait peu à peu la place à l’activation sociale. Faute d’emplois disponibles, l’activation sociale devient alors un miroir aux alouettes qui rassure le décideur et occupe l’inoccupable.  

Améliorer le bien-être des personnes, sortir de la pauvreté est un défi de société qui impose la mobilisation de tous. Or, aujourd’hui, c’est le règne de l’effritement de la protection sociale qui engendre la décharge systématique des publics fragilisés sur les CPAS, voire leur abandon.

Faut-il alors que les CPAS disparaissent pour forcer la prise de conscience de leur utilité? Doivent-ils s’éteindre pour renaître dans un système sociétal global de protection sociale et de bien-être?

Il faut oser le débat!

Les CPAS remplissent des missions essentielles, mais ils ne semblent devoir leur légitimité institutionnelle qu’au travers des liens de subordination d’un autre temps. Dans un XXIe siècle qui surfe sur la modernité et l’immédiateté des actions, les CPAS restent attachés à un pouvoir communal qui n’y voit trop souvent qu’un outil système coûteux plutôt qu’un partenaire autonome et responsable. Pire! Alors que le gouvernement wallon nouvellement installé reconnaît l’urgence d’une lutte efficace contre la pauvreté, il invite dans le même temps les communes et les CPAS qui le souhaitent à fusionner!

C’est la preuve d’une méconnaissance des réalités de la gestion locale par laquelle les responsables wallons amalgament naïvement les métiers et les missions d’institutions très différentes. C’est déconsidérer le travail synergique efficace qui se construit peu à peu entre les institutions locales dans les limites des missions de chacune et en total respect des fonctionnements institutionnels respectifs.

Si le paysage institutionnel local doit être repensé, il est urgent de réunir les acteurs politiques, administratifs et sociaux autour du devenir du CPAS. Pour relever les défis sociétaux, les CPAS ont besoin d’un mandat clair, réfléchi, rémunéré et en cohérence avec l’ensemble des autres acteurs sociaux et publics.

Si les CPAS sont localisés sur le territoire communal depuis des siècles et, de manière formelle depuis la loi de 1925, leur taille critique invite à la remise en question des territoires pertinents d’actions. De nouveaux modes de coopération doivent être tissés entre CPAS, entre administrations publiques, mais aussi avec l’ensemble du secteur non marchand (notamment l’économie sociale) faisant de la mutualisation une nouvelle intelligence administrative au service du bien public. Face aux défis sociétaux, les CPAS doivent renaître autrement, doivent imposer leur existence et prendre la place qu’il leur revient dans cette noble mission publique qu’est la prise en charge des plus fragilisés.

Bernard Antoine, politologue, directeur général du CPAS de Montigny-le-Tilleul, chargé de cours à la Haute École provinciale du Hainaut

 

 

 

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