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Emploi/formation

Formation en alternance: le jour de gloire est arrivé?

La formation en alternance est de toutes les déclarations de politique régionale ou communautaire. Symbole de cette attention qui lui est portée: la mise en place de l’Office francophone de formation en alternance et d’un «contrat unique». Des initiatives pourtant sur la table depuis longtemps.

La formation en alternance est de toutes les déclarations de politique régionale ou communautaire. Symbole de cette attention qui lui est portée: la mise en place de l’Office francophone de formation en alternance et d’un «contrat unique». Des initiatives pourtant sur la table depuis longtemps.

Attention, revoilà la formation en alternance. Discrète, voire invisible depuis quelques années, elle a récemment été rendue à la lumière par les déclarations de politique régionale ou communautaire. Le but des différents gouvernements est clair: il faut revaloriser cette filière que l’on considérera désormais comme d’«excellence». En espérant qu’elle parvienne ainsi à se débarrasser d’une image de relégation qui lui colle à la peau.

Si l’on excepte les spécificités régionales ou communautaires, ce renouveau est censé reposer – entre autres – sur deux grands projets communs aux différents niveaux de pouvoir: la mise en place de l’Office francophone de la formation en alternance (OFFA) et de ce qu’on appelle le «contrat unique» pour l’apprenant. Pour rappel, la formation en alternance est caractérisée par un morcellement impressionnant. Plusieurs opérateurs sont actifs. Et tous relèvent de niveaux de pouvoirs différents. Les centres d’enseignement et de formation (Cefa) dépendent de la Communauté française. L’Institut wallon de formation en alternance et des indépendants et PME (IFAPME), de la Région wallonne. Et le Service formation PME (SFPME) de la Cocof. Pour faire simple…

Cette situation a parfois entraîné une certaine cacophonie entre opérateurs. Voire de la concurrence. Les conditions d’apprentissage ne sont pas les mêmes partout. Rétribution de l’apprenant, nombre de jours passés en entreprise, nombre d’apprenants par accompagnateur, titre obtenu constituent autant de «détails» pouvant varier d’un opérateur à l’autre… Face à cette situation disparate, l’OFFA et le contrat unique ont pour mission de venir mettre un peu d’ordre et de cohérence «dans la baraque». Et de faciliter le «retour» de la formation en alternance sur le devant de la scène.

Un «retour» qui a des airs de réchauffé

Pourtant, voilà des années que l’on parle de l’OFFA et du «contrat unique». Du côté du cabinet d’Éliane Tillieux (PS), ministre wallonne de l’Emploi et de la Formation, on l’admet: «Cela fait trois législatures que l’on fait une spécificité de l’alternance». Tout avait commencé à se concrétiser par un accord de coopération conclu le 28 octobre 2008 entre la Communauté française, la Région wallonne et la Cocof. En 2010, Alter Échos vous annonçait que les différentes parties allaient passer par un avenant pour mettre l’accord en application. La mise en place de l’OFFA était annoncée quant à elle pour le 1er janvier 2011…

Depuis, le temps semble s’être dilaté. Et personne ne paraît trop savoir pourquoi. Même si les Jeunes CSC ont leur petite idée. «Je pense que ce sont les politiques qui ont voulu mettre une plume à leur chapeau en fin de législature. On a attendu pour pouvoir annoncer la création du contrat unique», essaye Pierre Ledecq, responsable national des Jeunes CSC.

Moins polémique, on fera également remarquer que mettre trois niveaux de pouvoir autour de la table – en plus d’opérateurs parfois jaloux de leurs spécificités – n’a pas dû être une mince affaire. Détail piquant: la Région wallonne et la Communauté française semblent aussi s’être pris les pieds dans le tapis. Lorsqu’un avenant à l’accord de coopération fut enfin passé le 27 mars 2014, elles se loupèrent littéralement dans deux dates importantes: celles de la mise en place de l’OFFA et du contrat unique. Au lieu du 1er septembre 2014 pour l’OFFA et du 1er septembre 2015 pour le contrat unique, c’est l’inverse qui fut indiqué. Pour corriger cette erreur, il fallut passer par un avenant à l’avenant…

Notons aussi que l’avenant du 27 mars 2014 a fortement modifié l’accord de coopération. Certains disent qu’il l’a carrément réécrit. Pourquoi? «L’accord de 2008 était très léger, pas clair du tout. Il a fallu redéfinir beaucoup de choses pour avoir un texte plus facile à mettre en œuvre», nous explique une source qui a préféré rester anonyme. Un travail qui a également pris du temps.

Enfin sur les rails?

Aujourd’hui pourtant, le dossier semble sur de bons rails. L’OFFA serait en voie de constitution. Un comité de pilotage se réunirait régulièrement dans ce but. La date de mars ou avril 2015 est régulièrement citée pour l’entrée en fonction de l’Office. On sera donc en retard par rapport à la date prévue initialement. Pour ce qui est du fonctionnement de la structure, le travail du comité de pilotage ne serait pas encore très abouti. Mais on connaît déjà les missions que l’OFFA aura à remplir. Il s’agira notamment de promouvoir la formation en alternance, d’être le garant du statut de l’apprenant en alternance quel que soit l’opérateur de formation en alternance choisi par celui-ci ou encore de décider de l’octroi d’incitants financiers à la formation en alternance et de leur liquidation aux entreprises. Enfin, l’OFFA aura aussi et surtout à assurer une centralisation des agréments d’entreprises recevant les apprenants. Rappelons-le, ce sont les opérateurs de formation en alternance qui agréeront les entreprises souhaitant recevoir des apprentis. Et tout agrément accordé à une entreprise par un opérateur de formation le sera automatiquement pour l’ensemble des opérateurs de formation en alternance. Dans ce cas de figure, mieux vaut en effet avoir une structure centralisant ce genre d’informations.

Pourtant, certaines voix se montrent critiques par rapport à l’Office, sans oser l’avouer de vive voix. «Voilà encore un énième brol», nous confiera une personne proche du dossier. Un «brol» qui viendra cependant remplacer la multitude d’autres structures qui existaient jusqu’ici. On pense au Sysfal, au comité consultatif de la formation en alternance (CCFA) ou à l’Altis. «Si on veut faire travailler les différents niveaux de pouvoir et les établissements ensemble, ce genre de structure est utile, assure-t-on au cabinet Tillieux. Mais attention, il ne s’agit pas d’une coupole, il y a des susceptibilités à ménager. Il s’agit plutôt de voir là où il existe des points de convergence et de travailler ensemble dessus.»

À parler de points de convergence, le «contrat unique» en est un. Celui-ci viendra remplacer la convention d’insertion socioprofessionnelle – utilisée par les Cefa – et le contrat d’apprentissage en vigueur à l’IFAPME et au SFPME. Accompagné d’un «plan de formation», ce contrat fixera le statut de l’apprenant et des entreprises. Leurs droits et obligations seront uniformisés. Le plan de formation, quant à lui, sera découpé en trois ensembles cohérents (niveaux A, B, C) distinguant trois niveaux de compétence déterminés par les opérateurs de formation en concertation avec l’OFFA et en référence avec les profils établis par le SFMQ (Service francophone des métiers et des qualifications). La rétribution de l’apprenant, enfin, sera elle aussi déterminée de manière uniforme. «C’est un bon point, qui permet de clarifier un paysage fort touffu. Même les professionnels ne s’y retrouvent pas toujours. Cela donne plus de clarté pour les entreprises, mais aussi pour l’apprenant. Et l’alternance en ressortira potentiellement plus performante», se félicite-t-on au cabinet de Didier Gosuin (FDF), ministre en charge de la Formation à la Cocof.

Mais ici aussi, il a fallu ménager les susceptibilités et les spécificités des opérateurs, parfois pour des raisons pécuniaires. Car le contrat unique n’uniformise pas tout. D’un opérateur à un autre, certains apprenants continueront à passer plus, ou moins, de temps en entreprise que d’autres. L’encadrement restera variable. Il y aura toujours plus d’apprenants pour un délégué à la tutelle de l’IFAPME ou du SFPME, par exemple, que pour un accompagnateur en Cefa. Tout a un coût…

La certification restera elle aussi potentiellement différente. Le certificat d’apprentissage de l’IFAPME, par exemple, n’ouvrira toujours pas les mêmes effets de droits que le certificat de qualification des Cefa. Un point crucial. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que la déclaration de politique régionale wallonne plaide pour «la délivrance d’une véritable certification des apprenants de l’IFAPME débouchant sur des effets de droits équivalents à ceux liés aux certifications délivrées par la Communauté française». Notons que, dans certains cas, l’IFAPME peut toutefois délivrer un certificat donnant des droits équivalents à ceux de l’enseignement de plein exercice. Mais l’organisme doit pour cela par un processus laborieux de reconnaissance de ses référentiels de formation par la Communauté française.

Mal payés?

Des critiques apparaissent également concernant la rétribution des apprenants. Au cours de la rédaction de l’avenant, différents modèles de rétribution auraient circulé. Certains bien plus généreux que ce qui a été finalement prévu (voir encadré). «On a tendance à faire de l’alternance la nouvelle solution miracle pour le chômage de jeunes, alors que l’on ne revalorise pas le statut de l’apprenant. C’est dommage, et cela conforte pour moi la position de l’alternance comme une filière de relégation, déplore Pierre Ledecq. On peut aussi se poser la question du sens qu’il y a à garder les Cefa et les classes moyennes – IFAPME et SFPME – séparés. C’est un peu une gabegie de moyens.»

Aurait-on pu aller plus loin dans l’uniformisation du contrat unique, voire des opérateurs? «Le dossier avance pas à pas, et certains points ne sont pas encore tranchés, tempère-t-on du côté du cabinet de Didier Gosuin. Et disposer d’un contrat commun est déjà un pas énorme.»

Du côté de la Région wallonne et de la Communauté française, on semble en tout cas attendre beaucoup de cette «réforme». À Bruxelles, la situation est un peu plus particulière. Institutionnel oblige, le paysage de l’alternance y est encore plus complexe. Conséquence éventuelle de cette situation, le dispositif y serait assez peu utilisé. Plusieurs études ont été commandées afin d’éclaircir ce phénomène. Le cabinet de Didier Gosuin annonce vouloir rendre le système plus lisible. Le tout en mobilisant les entreprises. Une négociation à ce niveau aura lieu au sein d’un groupe de travail «emploi-formation-enseignement-entreprise».

Formation en alternance

La formation en alternance combine une formation pratique en milieu de travail et une formation auprès d’un opérateur de formation en alternance portant sur des matières générales et professionnelles. Elle s’organise dans le cadre d’un partenariat entre un opérateur de formation ou d’enseignement, un apprenant en alternance et une entreprise.

Rétribution

La rétribution des apprenants est prévue comme suit:

17% du RMMMG (revenu minimum mensuel moyen garanti) pour le niveau A du plan de formation;

24% du RMMMG pour le niveau B;

32% pour le niveau C.

Aller plus loin

Cet article fait partie d’une série consacrée aux chantiers de l’enseignement, lire aussi:

Alter Échos n°392 du 10.11.2014: L’ascension de l’Evras

Alter Échos n°391 du 20.10.2014: Les acteurs de la promotion sociale n’auront pas à s’inquiéter 

Alter Échos n°390 du 14.10.2014: Crise d’identité pour la promotion sociale

Alter Échos n°389 du 30.09.2014: Inégalités: l’école réussira-t-elle sa seconde sess

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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