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Financement des missions locales : miracle en vue?

Les missions locales disposent de leur arrêté de financement. Un événement, alors que le dossier semblait s’enliser.

Les missions locales disposent de leur arrêté de financement. Un événement, alors que le dossier semblait s’enliser.

On ne doit pas être loin d’un record aux parfums de Santa Barbara. Plus de cinq longues années après sa naissance, l’ordonnance relative aux missions locales bénéficie d’un arrêté de financement. Le cabinet de Céline Fremault (cdH), ministre bruxelloise de l’Emploi, s’était engagé à faire passer le dossier avant les élections du 25 mai 2014. Une parole tenue : l’arrêté est passé devant le gouvernement en première lecture le 27 février 2014, en deuxième lecture le 3 avril. Et en troisième le 16 mai. Tout juste…

Cet événement constitue le «climax» d’une histoire commencée le 7 novembre 2008 par l’adoption de l’ordonnance consacrée au secteur. Depuis, l’affaire avait avancé à un train de sénateur. En plus de soixante mois, seuls deux arrêtés d’exécution avaient été votés. Le 24 septembre 2009, pour l’instauration d’un comité de collaboration entre les missions locales, les lokale werkwinkels, Actiris et le ministre de l’Emploi. Et le 8 mars 2012, à l’occasion d’un arrêté relatif à l’agrément des structures…

Un secteur mobilisé

Face à cette lenteur, le secteur s’était mobilisé. Au point d’aller faire le pied de grue, le 17 janvier 2013, devant le cabinet de Benoît Cerexhe (cdH), alors ministre de l’Emploi à Bruxelles. Il s’agissait de demander 18 millions d’euros pour les missions locales «afin d’effectuer le travail qui leur est demandé». Le 29 janvier 2013, c’est au cinéma Vendôme que les neuf ML rencontraient des représentants du ministre. But de l’opération : leur remettre un Livre blanc des missions locales. Avant d’insister à nouveau sur un arrêté de financement toujours dans les starting-blocks.

Comment expliquer cette situation? Luca Ciccia, directeur de la mission locale de Saint-Gilles, nous livrait à l’époque son analyse : «L’ordonnance est mal née. Son texte a été rédigé sans consulter le secteur et ne lui correspond pas.» Résultat des courses, le cabinet de Benoît Cerexhe s’est trouvé dans l’obligation de corriger le tir dans les arrêtés. Un travail long et pénible. D’autant plus qu’à la faveur des élections communales d’octobre 2012, Cerexhe revêtait l’écharpe mayorale de Woluwe-Saint-Pierre. Et laissait sa place à Céline Fremault, qui devait s’emparer du dossier. Avant de se faire allumer par les missions locales en octobre 2013.

Car, à cette époque, l’ordonnance n’a toujours pas d’arrêté de financement. Et les missions locales chargent. Alors qu’elles réclament toujours 18 millions d’euros, elles accusent la nouvelle ministre de ne mettre que huit millions sur la table en réalisant un tour de passe-passe : considérer certaines sources régionales de financement des ML comme étant susceptibles de couvrir les missions de l’ordonnance. Alors qu’elles concerneraient en fait des actions menées hors de celle-ci.

Au cabinet de Céline Fremault, on évoque des difficultés de dialogue tout en admettant «qu’il y a une vraie discussion» entre les deux parties. Une vraie discussion qui serait néanmoins entachée à ce moment d’incompréhension de la part des missions locales. «Les missions locales ont toutes une organisation et une réalité budgétaire très différentes. Elles dépendent de plus d’énormément de sources de financement, d’un melting-pot de conventions. Ce qui empêche une bonne lisibilité de la situation et rend compliquée la rédaction d’un arrêté qui convienne à tout le monde», explique-t-on à ce moment chez Céline Fremault.

Tout le monde est content?

Aujourd’hui, tout le monde semble pourtant avoir le sourire. C’est qu’un protocole d’accord est tombé du ciel le 5 février 2014 dernier. Signé par le cabinet, Actiris, les missions locales et les lokale werkwinkels, il a tout d’un faiseur de miracles. Son mérite? «Le dossier était tellement technique que les différentes parties avaient parfois du mal à se comprendre. Le but du protocole était de concrétiser en langage courant ce que les différentes parties convenaient ensemble. Cela a rendu les choses plus palpables et la négociation plus fluide», explique-t-on au cabinet de Céline Fremault.

Le contenu du protocole comprend donc les principes qui se trouvent, dans un langage plus juridique, dans l’arrêté de financement. Du côté du secteur, on affiche son contentement. «Nous sommes satisfaits, le protocole balise la situation», affirme Marc Rents, directeur de la mission locale de Schaerbeek. À la Febisp (Fédération bruxelloise des organismes d’insertion socioprofessionnelle et d’économie sociale d’insertion), qui fédère les neuf missions locales, on déclare également que l’«on a abouti à un arrêté convenable».

Que contient-il? Premièrement, les montants des subventions ne pourront être inférieurs aux montants des financements actuels perçus par les missions locales pour la mise en œuvre des actions visées par l’ordonnance. L’arrêté prévoira notamment le financement d’une équipe chargée des missions de base des missions locales (direction, services transversaux). Celle-ci sera composée à terme de neuf personnes, alors que l’on en est à six aujourd’hui. Autre financement prévu : celui d’une équipe dévolue aux missions générales. Elle sera composée d’une équipe de consultants chargée d’accompagner 10% des demandeurs d’emploi de la zone d’influence de la mission locale. Un «détail» important puisque les ML se trouvant dans des zones à forte densité de demandeurs d’emploi devraient donc bénéficier d’un financement leur permettant de disposer d’un nombre de consultants suffisant pour accompagner ce public. Les «fameux» 18 millions revendiqués de manière globale sont-ils en vue? Probablement pas, mais pour Marc Rents, «le nouveau mode de financement induit une évolution, une perspective de rattrapage pour les missions locales».

Plus globalement, le cabinet de Céline Fremault affirme que le mode de financement prévu rééquilibrera les ressources des missions locales. Le tout dans un sens qui correspondra plus à leur situation réelle. «Les situations des ML étaient très disparates, certaines avaient plus de contacts politiques que d’autres…», souligne-t-on. Notons que ce rattrapage devrait s’effectuer sur six ans. À terme, ce sont 12 millions qui devraient se retrouver sur la table, d’après le cabinet.

Fini les fermetures?

Cette nouvelle situation pourrait-elle empêcher les missions locales de fermer plus ou moins régulièrement? En décembre 2013, face à l’afflux de chômeurs, sept missions locales sur neuf étaient contraintes de laisser leurs portes closes temporairement. «Les ML ont d’abord essayé de répondre à l’ensemble des demandes. Ce qui a amené les conseillers emploi de certaines missions locales à traiter jusqu’à 500 dossiers par an», expliquait la Febisp à cette époque. Une situation intenable. Les fermetures devaient donc permettre aux consultants de traiter correctement les dossiers des demandeurs d’emploi déjà enregistrés, sans en ouvrir de nouveaux. À la mission locale de Schaerbeek, on précise d’ailleurs que seul l’accueil de la mission était fermé.

Une des revendications émises dans ce cadre était de limiter le nombre de demandeurs d’emploi par consultant à 150. Une demande qui a été entendue. D’après le protocole, ce sera donc 150 chercheurs d’emploi par conseiller : 100 envoyés par Actiris et 50 «libres», probablement issus de la mission locale elle-même. Il n’empêche : si ce chiffre devrait permettre aux missions locales d’offrir un accompagnement de qualité à chaque demandeur d’emploi pris en charge, il ne résoudra pas tout. Elles ne devraient toujours pas être en mesure de prendre tout le monde en charge.

Aller plus loin

Alter Échos n°367 du 10.11.2013 : Mésentente autour du financement des missions locales

Alter Échos n°354 du 15.02.2013 : Ordonnance missions locales : dernière séance ?

 

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)

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