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Justice

Dernier baroud d’honneur pour le PRDD ?

Il n’y aura pas de PRDD (Plan régional de développement durable) voté sous cette législature. Le projet de plan ayant été approuvé en décembre 2013, il ne reste plus assez de temps sous cette législature pour mener les consultations et l’enquête publique, prévues par le Code bruxellois de l’aménagement du territoire (Cobat). Cela ne veut pas dire que le PRDD n’aura servi à rien. Un colloque qui s’est tenu le 10 février dernier a fait la part belle au contenu de ce document et à certaines avancées déjà engrangées grâce à ce texte programmatique pour Bruxelles et son hinterland.

source : www.prdd.be

Il n’y aura pas de PRDD voté sous cette législature. Le projet de plan ayant été approuvé en décembre 2013, il ne reste plus assez de temps sous cette législature pour mener les consultations et l’enquête publique, prévues par le Code bruxellois de l’aménagement du territoire (Cobat). Cela ne veut pas dire que le PRDD n’aura servi à rien. Un colloque qui s’est tenu le 10 février dernier a fait la part belle au contenu de ce document et à certaines avancées déjà engrangées grâce à ce texte programmatique pour Bruxelles et son hinterland.

Rétroactes.

En février 2013, il y a un an, Charles Picqué présentait à la presse son dernier bébé avant de quitter la présidence de la Région de Bruxelles-Capitale. Le PRDD ou Plan régional de développement durable. Ce plan fait suite à deux PRD (plan régional de développement), le premier adopté en 1995 qui entamait les premiers exercices de planification pour Bruxelles et le second en 2002 mettant l’accent sur des zones leviers. Tout le monde s’accordait sur la nécessité de remettre le couvert afin de tracer les enjeux et les grands défis à venir pour la capitale dans un contexte plus large que le strict cadre de son territoire et dans un timing qui dépasserait les seuls enjeux d’une législature. D’où un plan dont les grands enjeux se profilent à l’horizon 2020 (dont on s’approche à grands pas) et qui devrait plus réalistement impacter d’ici 2040.

L’élaboration de ce nouveau plan programmatique pour Bruxelles a été laborieuse : en 2011, début de législature, Charles Picqué annonçait le début des travaux confiés à l’Agence de développement territorial (ADT) et à la Direction des études de planification (DEP) de Bruxelles Développement urbain (anciennement AATL). La base de travail pour ce nouveau plan régional : un état des lieux établi à partir d’un questionnaire d’évaluation adressé aux différents départements de l’administration régionale, mais aussi des études demandées à des bureaux internationaux d’architecture et d’urbanisme, invités à exposer leur vision de Bruxelles à l’horizon 2040 (1). Des ateliers prospectifs basés sur une dynamique participative (2) ont été mis sur pied d’avril à décembre 2011 pour recueillir le sentiment des forces vives (pouvoirs publics, syndicats, groupes de pression, associations d’habitants, ONG, académiques, etc.). Avec plus ou moins de succès et finalement assez peu de traces dans le texte du PRDD présenté en 2013. Trois groupes de travail ont également été organisés en 2012 avec les communes bruxelloises.

Un projet de ville

À marche forcée, juste avant de passer au vestiaire à l’occasion de la fête de l’Iris de mai 2013, Charles Picqué a tenu à présenter son texte, mais il n’a pas réussi son pari de le faire adopter avant la fin de la législature. Rudi Vervoort, le nouveau Ministre-Président, s’est emparé du dossier, a remanié le texte, en faisant notamment disparaître le concept de territoires qui visait à se départir de la logique des 19 communes. Ce n’est qu’en septembre 2013 qu’un avant-projet de texte est adopté par le gouvernement bruxellois, mettant en avant six défis : l’essor démographique, l’emploi, la formation et l’enseignement, l’environnement, la lutte contre la dualisation de la ville, la mobilité et l’internationalisation. Et quatre objectifs prioritaires : le logement, les équipements, l’économie et la mobilité. Des leviers d’actions territorialisés sont définis en termes d’organisation multipolaire, de paysage, de développement économique, de mobilité durable et de développement à l’échelle de l’aire métropolitaine incluant des mécanismes de coopération avec les deux autres Régions, ainsi que des stratégies pour chacun de ces leviers.

Le 5 décembre, le gouvernement a approuvé le projet de PRDD. Mais cela ne reste qu’un projet qui nécessite encore des consultations, une enquête publique avant de devenir un projet de ville à part entière. Depuis janvier 2014, un site (www.prdd.be) présente le document, y invite le quidam à donner son avis sur le plan (sans que cela ne consiste en l’enquête publique en bonne et due forme) et informe de la consultation des forces vives de la Région, sans autres précisions. À cet égard le cabinet confirme qu’« il sera impossible d’adopter le PRDD définitivement sous cette législature. Étant donné le processus d’enquête publique du PRDD, le gouvernement a décidé de faire précéder l’enquête publique d’une phase de consultation moins formelle permettant de mener un dialogue constructif en vue d’aboutir à une vision partagée de l’avenir de notre Région. » La suite des événements pour ce texte serait dans le meilleur cas qu’il soit adoubé et adopté par le prochain gouvernement. C’est sans compter que le PRDD est issu de discussions au sein d’une majorité qui ne sera peut-être pas reconduite après les élections de mai 2014. Surtout si l’on se réfère aux projets de Didier Reynders mis en exergue dans son récent ouvrage Bruxelles pour tous (3)

Un colloque sur le projet de PRDD

Un colloque était organisé début février par l’ADT, Bruxelles développement urbain et Brussels studies institute (BSI), lors duquel Rudy Vervoort et son chef de cabinet, Yves Goldstein, ont mis en avant les lignes de force du PRDD. Selon le Ministre-Président, « il s’agit d’un texte dense, visant à encadrer les actions futures de la Région afin de rendre Bruxelles plus attrayante, plus inclusive, plus compétitive, plus verte. Avec en toile de fond, la sixième réforme de l’État octroyant notamment à la Région des responsabilités accrues sur le plan économique. » Étant donné le cadre budgétaire limité, malgré la loi de refinancement pour Bruxelles, Rudy Vervoort a d’emblée annoncé que des choix devront être opérés en fonction de certaines priorités « pour que le modèle de cohésion et les liens sociaux soient maintenus ». Faisant du PRDD un catalogue de bonnes intentions ?

Yves Goldstein a pour sa part passé en revue l’architecture globale du PRDD, en attirant l’attention sur certains points spécifiques dont la dimension métropolitaine de Bruxelle. Il s’agit d’un champ d’investigation qui ne figurait pas dans les précédents PRD : Yves Goldstein a mis l’accent sur la nécessité d’une coordination et non d’une concurrence entre les trois Régions. « Un développement urbain horizontal classique ne se fera pas en faveur de Bruxelles s’il n’y a pas une coopération réelle dans le cadre d’un fédéralisme mature, que ce soit en matière de production de bureaux, sur le plan logistique ou encore en matière de stratégies complémentaires dans l’implantation des centres commerciaux. Or certains projets, sous couvert d’arguments liés par exemple à la mobilité (comme l’élargissement du ring voulu par le gouvernement flamand), ne rassurent pas quant à la volonté de coconstruire cette aire métropolitaine. » Et de qualifier ce projet de cache-sexe derrière lequel se dissimule une concurrence économique accrue. La gouvernance est également une préoccupation majeure dans le contexte administratif et institutionnel d’une Région comme Bruxelles. Selon Yves Goldstein, « Il est important de savoir ce qu’on va faire, où et comment. Pour cela, il est indispensable de révolutionner la gouvernance en fusionnant la trentaine d’acteurs aujourd’hui existants en deux structures de planification territoriale, l’une en amont des décisions pour l’analyse, la planification et l’administration foncière (NDLR regroupant des administrations existantes comme une partie de l’ADT, l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse ou les organismes administratifs autonomes (ex OIP), ainsi que les observatoires sectoriels), l’autre en aval en tant que plateforme territoriale opérationnelle, avec certaines compétences de la Régie foncière régionale, celles de la Société d’acquisition foncière et du Comité d’acquisition, jouant le rôle d’ensemblier pour la mise en oeuvre de la politique foncière régionale et le développement des zones stratégiques. »

Réaction

Lors de ce colloque, des tables rondes sur les stratégies de densification et de qualité de vie, le développement multipolaire, l’économie et la formation, les leviers d’action publics, l’aire métropolitaine ou la gouvernance multiniveaux ont eu lieu, dont les contenus seront accessibles sur le site de l’ADT.

De nombreux acteurs de terrain, des chercheurs, architectes, urbanistes et autres observateurs du développement de Bruxelles étaient présents lors de ce colloque. Parmi eux, Isabelle Pauthier, directrice de l’Arau dont le colloque annuel de 2013 portait sur le PRDD (4), nous fait part de quelques réflexions à propos de ce PRDD (que le président de l’Arau, Marc Frère, a d’ailleurs qualifié de PRDDA, avec A pour avorté) :

« Le timing est en effet lamentable, ce qui a notamment mené à l’adoption d’un Plan régional d’affectation du sol (Pras) démographique qui modifie le texte du Pras de manière partielle, mais profonde. Une telle réforme aurait dû découler du PRDD et non l’inverse. Le Pras démographique est en fait le fruit de la pression des promoteurs qui, en raison de la crise du secteur immobilier de bureaux, s’intéressent désormais au secteur résidentiel. Pour répondre à leur demande (NDLR de nouveaux – grands – terrains à urbaniser), la Région a instrumentalisé un boom démographique qu’elle n’avait pas anticipé pour changer l’affectation de plusieurs anciennes Zones d’industrie urbaine (ZIU) et les ouvrir à ‘mixité’, c’est-à-dire au logement. Il y aurait beaucoup à dire sur les grandes options du PRDD, notamment en matière de mobilité, qui s’appuie sur l’infrastructurel lourd (le rail) sur lequel la Région n’a pas de levier. Mais, même si le PRDD est le résultat des compromis de la particratie et qu’il faut le voir comme un alambic – beaucoup d’énergie pour produire quelques gouttes – le projet est sur la table et mérite une enquête publique. Le travail considérable d’analyse et de propositions réalisé ne peut être perdu. Quelle que soit la majorité qui sortira des urnes et des marchandages post-électoraux, les constats ne changeront pas : la planification doit aider à introduire les réformes nécessaires pour rompre avec les remèdes du passé. »

Le PRRD : un texte inclusif ?

En quelque sorte rattrapé par les événements et s’inscrivant par ailleurs dans un phénomène de développement social, économique, urbanistique… qui ne l’a pas attendu, le PRDD a intégré des plans et des programmes qui ont été initiés durant sa période d’élaboration et qui ont fait l’objet d’une approbation par le gouvernement bruxellois. Il s’agit du New Deal, programme conclu avec les partenaires sociaux afin de favoriser l’emploi des Bruxellois dans six domaines d’activités (commerce et horeca, environnement, développement international et tourisme, secteur non-marchand et fonction publique, secteurs innovants, industrie urbaine), des Zones d’économie urbaine stimulée (Zeus), créant des zones franches urbaines dans sept communes le long du canal et organisant l’octroi d’avantages fiscaux aux entreprises qui s’installent ou qui sont situées dans les périmètres délimités et qui privilégient l’embauche des riverains ou du Pras démographique modifiant l’affectation du sol pour tenir compte des besoins liés à l’essor démographique de Bruxelles. Autres instruments déjà adoptés et intégrés dans le PRDD : les plans de mobilité Iris II et les plans sectoriels marchandises, de stationnement et piéton, l’étude « Plan Guide rénovation urbaine », des plans environnementaux sectoriels comme les Plans bruit, déchets, pluie, air-climat-énergie, nature, de gestion de l’eau 2010-2015, le maillage vert. Idem pour les schémas directeurs des zones stratégiques (Reyers, Tour et Taxis, Botanique, Quartier européen, Schaerbeek-Formation), le Plan régional du logement et l’Alliance-Habitat, le PACT Propreté.

 

  1. À consulter sur le site www.urbanisme.irisnet.be, mot-clef Bruxelles métropole 2040
  2. www.adt-ato.irisnet.be/fr/enjeux-urbains/prdd#La%20dynamique%20participativ
  3. Didier Reynders, Bruxelles pour tous – Vaincre la fracture, éditions La Muette, 2014
  4. La 44ème École urbaine de l’Arau (cycles de cinq soirées de conférences) a porté sur la portée du PRDD avec plusieurs portes d’entrée : la question de la planification, la mobilité, le logement, le travail et l’économie urbaine, la dimension métropolitaine et a fait l’objet d’une publication Le PRDD nouveau est arrivé. Pour plus d’infos : www.aura.org, onglet Publications
Nathalie Cobbaut

Nathalie Cobbaut

Rédactrice en chef Échos du crédit et de l'endettement

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