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Regard critique · Justice sociale

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Décret ambulatoire à Bruxelles : où en est-on ?

Démarche d’évaluation qualitative, évaluation, programmation… c’est parfois le flou autour du décret ambulatoire.

03-12-2012 Alter Échos n° 350

Le 16 novembre, Michel Colson (FDF) et Jacques Morel (Ecolo) interpellent les ministres Kir et Cerexhe au sujet du décret ambulatoire1. Démarche d’évaluationqualitative, évaluation du décret, programmation… c’est parfois le flou. Faisons le point.

La première interpellation, de Michel Colson2 (FDF), porte sur les démarches d’évaluation qualitative (encadré). Il s’agitd’une des grandes nouveautés du décret, mais aussi de l’un de ses axes les plus controversés. Les secteurs se sont-ils aujourd’hui emparés de ceprocessus ?

« Je suis prudente car les échos diffèrent selon qu’ils viennent des syndicats ou de l’administration, nous dit Dominique Maun3, conseillère du ministreCerexhe. Mon sentiment est qu’il y a une résistance de principe par rapport à des mots issus d’une logique marchande. Pourtant la volonté était de donner du temps auxtravailleurs pour leur permettre de réfléchir. »

« C’est très aléatoire, en fonction des secteurs et des institutions, explique lui Emmanuel Bonami, permanent CNE4. Pour certains, l’objectif reste flou. Pourd’autres, la démarche est intéressante mais représente une charge de travail importante. Dans certaines associations, ça se passe bien ». Les secteurs les plusréfractaires étant la santé mentale et les services d’aide aux toxicomanes, avec beaucoup de disparités internes.

Un des points d’achoppement, persistant depuis l’élaboration du décret : le fait que la réalisation de la DEQ conditionne l’agrément du service. Unagrément qui dépend du processus et non du contenu, se défend le politique. Il reste que les craintes demeurent, certains imaginant des risques de sanctions si leur DEQ ne va pasdans le bon sens.

La question de la perméabilité entre le service inspection et la CADEQ (Cellule d’Accompagnement de la DEQ) a plusieurs fois été mise sur le tapis. « On medit que cette cellule est interventionniste et a tendance à mélanger les rôles et les genres », nous dit Michel Colson. Des fantasmes, selon Alain Willaert,coordinateur du CBCS5 : « Des balises ont été mises lors du travail de rédaction du décret, il n’y a pas trop de craintes àavoir. »

Les inquiétudes concernent aussi une éventuelle volonté de rationalisation du secteur, de regroupement des services. « On nous dit que non, explique EmmanuelBonami, mais des choses similaires se sont produites comme cela dans d’autres pays. »

Une récente circulaire relative à la DEQ tente d’apaiser les choses. Elle entend clarifier les rôles respectifs de la CADEQ et de l’inspection, mais aussi de rappeler lesmodalités de participation des travailleurs dans le processus (autre préoccupation syndicale).

Programmer les nouveaux agréments

Second point d’interpellation, de Jacques Morel : où en est l’étude de programmation ? L’objectif, rappelle Benoît Cerexhe, est de se doter d’outils pérennespour aiguiller les futurs agréments de services. « L’idée est de mettre sur pied des critères objectifs, explique Alain Willaert, de se baser sur d’autrescritères que ceux du lobbying des secteurs et des budgets disponibles. »

La première partie de l’étude, pilotée par l’Ecole de santé publique (ULB) et associant le CBCS, vient d’être finalisée. Elle fait étatde l’offre des secteurs et propose une liste exhaustive de critères d’agrément potentiellement pertinents. Elle doit aujourd’hui être validée par lespartenaires sociaux, nous dit le cabinet Cerexhe. Une présentation publique des résultats aura lieu au cours du premier trimestre 2013.

Une seconde phase devrait être lancée via un nouvel appel d’offre, avec pour but de définir des critères d’agrément objectifs pour chaque secteur. LeCBCS ne sera pas partie prenante, nous précise Alain Willaert : « nous ne voulons pas être juge et partie ». En attendant, des critères sontutilisés à titre provisoire. Par exemple, les maisons médicales sont désormais agréées selon un critère géographique (la distance avec lesmaisons médicales déjà agréées) et non plus chronologique.

Un gâteau unique

Au delà de cela, il reste qu’un des enjeux, pour les secteurs, est financier. « Les secteurs et les associations sont en concurrence, explique Michel Colson. Il y a unerivalité quasi viscérale entre la santé mentale et le social. Chacun y va de sa survie. C’est un gâteau unique, qui ne risque pas d’augmenter. » Lesfédérations sociales, notamment, tout comme le CBCS, plaident pour leur refinancement. « Car entre les fédérations, il y a des différences énormesen moyens humains et financiers », explique Alain Willaert.

Décret ambulatoire : de quoi parle-t-on ?

– C’est quoi ? Le décret de la Cocof « relatif a l’offre de services ambulatoires dans le domaine de l’action sociale, de la famille et de lasanté » a été adopté le 20 février 2009. Il réunit en un seul texte les législations jusque-là disparates de douze secteurs del’action sociale et de la santé ambulatoire.
– Qui est concerné ? Les services de santé mentale, d’action globale sociale, de planning familial, en matière de toxicomanie, les maisons médicales, lesservices de médiation de dettes, d’aide aux justiciables, les Espaces-rencontre, la coordination de soins et de services à domicile, les soins palliatifs et continués, l’aideà domicile et les centres d’accueil téléphonique.
– Les principaux axes ? L’harmonisation des normes et l’agrément à durée indéterminée ; l’introduction de la« démarche d’évaluation qualitative » (DEQ) dans les services et transversale (DEQ-T) ; la reconnaissance du travail en réseau.

Evaluations, programmation et tutti quanti

– La Démarche d’Evaluation Qualitative (DEQ) : chaque service a trois ans pour réaliser une DEQ sur une thématique qu’il choisit dans une liste qui lui estsoumise. L’objectif ? Via un processus d’auto-évaluation, améliorer le service proposé aux bénéficiaires. La première vague se clôturera fin2013.
– La DEQ transversale (DEQ-T) est mise en œuvre pendant trois ans par le CBCS et des représentants des 12 secteurs désignés par les employeurs et les syndicats.Elle se penche sur les impacts de l’accessibilité des services et la pénibilité du travail, et en retour, sur l’infl
uence de la pénibilité surl’accessibilité. Le rapport final est prévu pour fin 2013.
– L’évaluation du décret, réalisée par l’administration porte sur les nouveautés apportées par le décret. Elle devraitêtre présentée prochainement au Parlement.
– Elle sera complétée par une évaluation externe. Un appel d’offre public devrait être lancé début janvier. La volonté serait de leconfier au Master interuniversitaire en évaluation des politiques publiques, nous confie-t-on.
– L’étude de programmation des nouveaux services. Son objectif ? Etablir un cadastre de l’offre et des besoins, ainsi que des critères, par secteur, pourbaliser l’agrément des services.
– Des rapports sectoriels doivent être produits par chaque fédération tous les trois ans, suivis d’un rapport intersectoriel.

Image : © Espace Social Télé-Service
Légende: Projet pour les femmes « de la cuisine au micro-crédit » du centre d’action sociale globale. »

1. Parlement bruxellois. Compte rendu de la séance plénière du 16 novembre 2012, version provisoire (20/11/2012).

2. Michel Colson (FDF) :
– courriel : michel.colson@fdf.be
3. Cabinet de Benoît Cerexhe
– adresse : rue Capitaine Crespel, 35 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02/508 79 11
– courriel : info@cerexhe.irisnet.be
4. Centrale Nationale des Employés (CNE) Bruxelles-Brabant wallon :
– adresse : rue Pletinckx, 19 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02/557 86 10
– courriel : cne.bruxelles@acv-csc.be
5. Conseil bruxellois de coordination sociopolitique (CBCS) :
– adresse : rue Mercelis, 27 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02/644 04 81
– site : www.cbcs.be
– courriel : info@cbcs.be

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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