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Regard critique · Justice sociale

Boitsfort : une cohésion sociale livrée à elle-même?

Watermael-Boitsfort est une commune globalement riche. A ce titre, elle ne bénéficie quasiment pas des aides régionales en matière de cohésion sociale.

01-03-2013 Alter Échos n° 355

Watermael-Boitsfort est une commune globalement riche. A ce titre, elle ne bénéficie quasiment pas des aides régionales en matière de cohésion sociale. Pourtant, comme ailleurs, des poches de pauvreté sont bel et bien présentes.

Se balader à Watermael-Boitsfort est fort agréable, que ce soit sous la neige en ces derniers jours de février ou sous les cerisiers japonais en fleurs aux premiers jours du printemps. Entre sa forêt, ses parcs et bois en tous genres et ses rues bordées d’arbres, la commune la plus verte de Bruxelles jouit d’un riche environnement naturel particulièrement paisible. Dans le même temps, elle profite d’une extrême facilité de déplacement, que ce soit vers l’extérieur de la capitale grâce à la proximité des autoroutes, ou au sein de Bruxelles grâce à un système de transports en commun bien développé. Du fait de ces multiples atouts, la belle Watermael-Boitsfort compte aujourd’hui bon nombre d’entreprises mais aussi d’artistes en quête d’inspiration et de ce qu’il est convenu d’appeler de nos jours des « bobos », entendez des bourgeois bohèmes.

A côté de ce tableau idyllique, il est d’autres réalités. Sophie Luyckfassee, coordinatrice de l’asbl Watermael-Boitsfort en plein air1, estime « qu’en moyenne, il est vrai que comparée à d’autres communes, Watermael-Boitsfort est une commune riche. Mais si on regarde quartier par quartier, ce n’est pas le cas : il y a des poches de population avec beaucoup moins de moyens que partout ailleurs dans la commune. Un chiffre est révélateur à cet égard : 18 % du bâti communal, c’est du logement social, principalement concentré dans Le Logis Floréal et le Dries ! Auparavant, la classe moyenne occupait ces logements ; aujourd’hui, avec les nouveaux critères d’attribution de ceux-ci, on constate une précarisation de plus en plus grande des personnes qui y habitent. Le risque de « ghettoïsation » y est grand ! » A cela, s’ajoute un autre constat : « A Watermael-Boitsfort, le Logis Floréal est le deuxième quartier sur 145 à Bruxelles à compter le plus de familles monoparentales, ce qui constitue un critère de précarité retenu pour l’attribution de logement social. »

Des aides régionales insuffisantes

Pour faire face à la situation de précarité de bon nombre d’habitants, l’aide accordée par les autorités de la Région bruxelloise à Watermael-Boitsfort s’avère nettement insuffisante. Sophie Luyckfassee : « Nous ne bénéficions pas de l’aide directe accordée aux communes dans le cadre de la politique de cohésion sociale mise en place par la Région mais d’un plan régional transversal de cohésion sociale. Autrement dit, nous avons été en quelque sorte « repêchés » par le ministre-président de la Région. Aujourd’hui, l’asbl reçoit précisément 52 377 euros pour la seule maison de quartier du Dries. Ceci ne paye même pas le salaire d’un temps plein et demi ! Cette somme représente moins du tiers de nos besoins, compte tenu entre autres des frais de location de locaux et des charges diverses. Si le Service de prévention – où nous sommes une vingtaine de travailleurs – n’avait pas été là, notre maison de quartier n’aurait jamais pu se développer comme c’est le cas actuellement. Nous mettons en commun nos ressources de personnel et autres. »

En matière d’alphabétisation, Sophie Luyckfassee précise que la situation est particulièrement criante : « Nous gérons l’alphabétisation avec une personne à mi-temps et cinq bénévoles. C’est un scandale : la demande est de plus en plus forte ! Dans le seul quartier du Dries, nous avons une centaine de demandes par semaine, qui concernent de l’alphabétisation en tant que telle, de l’aide aux devoirs, etc. On se retrouve avec des listes d’attentes impressionnantes. »

Hypothèque sur l’avenir

Aujourd’hui, l’asbl Watermael-Boitsfort en plein air vit avec la crainte que la Région ne finance même plus le seul projet qui l’est actuellement : « On est arrivé à un point tel qu’on se met d’accord entre intervenants de la coordination sociale5 au sein de la commune pour ne pas rentrer d’autres projets de peur qu’on ne nous coupe l’herbe sous le pied ! »

En dépit des faibles moyens accordés par la Région, Sophie Luyckfassee garde une attitude optimiste : « Malgré tout, la cohésion sociale à Watermael-Boitsfort fonctionne extrêmement bien. Ceci est dû tout d’abord à l’existence d’une culture du dialogue entre les habitants. Ensuite, il y a aussi le fait qu’au départ, la commune connaît peu de délinquance. Tout ceci permet d’effectuer un véritable travail de prévention. D’ailleurs, notre action est reconnue par la police, les habitants et les commerçants. »

Le Service de Prévention et de Cohésion sociale

Watermael-Boitsfort (24 000 habitants) ne fait pas partie des communes reprises dans la liste de celles pouvant bénéficier de manière directe du soutien financier de la Région bruxelloise dans le cadre de la politique de cohésion sociale. De manière caricaturale, on peut affirmer que les difficultés sociales rencontrées dans cette commune par la population ne sont pas jugées suffisamment importantes par les autorités de la Région bruxelloise que pour bénéficier d’une partie de la manne de 8 millions d’euros destinée à soutenir des projets visant à enrayer ces difficultés. L’asbl paracommunale Watermael-Boitsfort en plein air ne jouit en effet que d’un léger soutien régional de 52 000 euros pour la seule maison de quartier du Dries.

Pourtant, le Service de prévention et de cohésion sociale, créé en 2002 au sein cette asbl, a du pain sur la planche : il gère deux maisons de quartier – celle du Dries implantée dans les logements sociaux de Ville & Forêt et celle des Cités-jardins située dans le quartier du Logis Floréal –, le service de médiation scolaire2, le Centre d’interventions pour les violences intrafamiliales (CIVIF)3 et l’Espace Famille (médiation familiale)4. 52 000 euros d’aide financière pour tout cela, c’est effectivement bien peu…

1. Watermael-Boitsfort en plein air :
– adresse : place Payfa, 12 à 1170 Watermael-Boitsfort
– tél. : 02 675 71 30
– site : http://www.prevention1170.be
2. La Médiation scolaire :
– courriel : pderadigues@wb.irisnet.be
3. Le Centre d’interventions pour les violences intrafamiliales :
– courriel : civif@wb.irisnet.be
4. L’Espace famille :
– courriel : sluyckfasseel@wb.irisnet.be
5. La Cellule de coordination :
– courriel : sluyckfasseel@wb.irisnet.be

Cecile Danjou

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